jeudi 24 décembre 2009

En Décembre 1999

Mon ami Kuhn a lancé l'idée de raconter son nouvel an de l'an 2000 et plus généralement ce que l'on était en Décembre 1999, comme personnellement je n'ai rien d'intéressant à dire sur le sujet on va plutôt parler d'Ahmed Kelly





En Décembre 1999, Ahmed Kelly avait dix ans de moins, comme beaucoup de monde et quelque soit le calendrier, mais je n'en dirais pas plus car il n'est sûr pour personne de connaître le véritable âge d'Ahmed Kelly. Vous allez vous dire que ce n'est pas là un cadeau fait à ses biographes, puis vous réfléchirez un peu et vous vous direz avec raison qu'il doit y avoir plus sûr comme boulot que biographe d'Ahmed Kelly. Pour vous dire toute la vérité, l'âge d'Ahmed n'a pas toujours été un secret, il existe même des gens, en dehors de ses proches parents, qui doivent encore se rappeler de sa date de naissance mais il advint dans la vie d'Ahmed un évènement tragique qui recouvra cette date du sceau du secret. Cet évènement eut lieu il y a quelques années de cela... laissez moi réfléchir un peu... c'était il y a... tout juste dix ans ! Quelle coïncidence ! Si vous ne me connaissiez pas vous pourriez croire que je l'ai fait exprès mais vous n'êtes pas comme ça et comme pour ma part je suis grand prince je ne vais pas vous laisser sur votre faim et le fin mot de cette histoire ne restera pas tue.

Il y a dix ans donc, Ahmed ne s'était pas encore installé à Paris ; il avait bien entendu déjà eu l'occasion de traverser la frontière qui sépare la cité littéraire de la barbarie et que les autochtones appellent boulevard périphérique, mais il habitait toujours sur la terre de ses ancêtres. Il y a dix ans Ahmed ne possédait encore que peu de chose, pas l'ombre d'un jet privé aux abords de la maison paternelle, à peine une barque dans le port et quelques dromadaires pour faire tourner les affaires de la famille. Mais Ahmed possédait déjà ce qui allait lui ouvrir les portes de la fortune, des plus grandes capitales et de faramineux capitaux : sa tête et sa machette.

Vous allez vous demander ce qu'un fils à papa peut bien faire avec une machette et une barque et cela prouvera bien que vous avez l'esprit d'entreprise foutrement limité par votre sens moral car sachez, lecteurs incrédules, que si pour le poète rien n'est impossible à coeur vaillant, dans la réalité un coeur vaillant ne vaux pas tripette face à une lame acérée portée par une main sans foi ni loi. En l'occurrence, une fois sa décision prise de prendre le monte charge social, Ahmed Kelly ne s'est pas embarrassé de remord ou de vaillance. Il commença son périple au port local ; un garde attrapé par les cheveux et une trachée tranchée plus tard, il se retrouva maître d'un chalutier. Ahmed Kelly aime la bonne chère mais pas de là à aller la préparer lui même et encore moins à en aller chercher la matière première au fond de l'océan. Au commande de son nouveau vaisseau, il fit donc le tour de la rade pour trouver bâtiment plus adapté à ses ambitions et le destin, qui garde toujours un oeil attentionné sur notre cher Ahmed, l'amena en vue d'un yacht à l'allure beaucoup plus convenable. Ahmed n'a jamais vraiment suivi de cours de piraterie mais il n'est pas plus compliqué d'attaquer un yacht que de castrer un dromadaire : il suffit de lui présenter quelque chose de suffisamment intéressant à la proue pour qu'il ne fasse plus attention à sa poupe. La mise en pratique fut immédiate, Ahmed amarra le chalutier, auquel il avait préalablement mis le feu, sur la trajectoire du yacht lequel stoppa sa course, les passagers duquel se précipitèrent au museau pour tenter d'éteindre le feu (et surtout de voir un ou deux marins mourir dans d'atroces souffrances) et le cul duquel étant laissé sans surveillance. Ahmed Kelly, que l'on a appelé le marsouin dans son enfance, ne mis que quelques minutes pour rejoindre le pont arrière du navire à la nage la machette entre les dents. Il se dirigea ensuite directement vers le poste de pilotage où d'un swing parfaitement maîtrisé il fit voler la tête du matelot de quart et trouva, comme dans tout bon navire, la seule arma à feu du bord. Il ne lui suffit plus ensuite que de monter sur le pont avant, d'abattre sans sommation un membre de l'équipage, de prendre en joue le reste et d'intimer l'ordre à tous les passagers sauf au capitaine et au propriétaire de sauter par dessus bord en tirant une balle dans la jambe de ce dernier pour devenir maître d'un deuxième navire dans la journée.

Le sort, qui est un peu jaloux de l'attention que porte le destin à Ahmed et qui a secrètement un peu peur de perdre son affection, fit que le yacht qu'Ahmed aborda ce jour là était celui d'un trafiquant de drogue fort imprudent ; Ahmed tira donc de cette aventure, outre une coquette somme de départ pour ses futures activités sous forme de briques de résine, un certain nombre d'enseignement : d'abord ne jamais s'arrêter pour sauver un pauvre qui brule, ensuite ne jamais transporter lui même sa marchandise surtout dans un véhicule qu'un pauvre ne peut pas s'acheter et enfin ne plus jamais être pauvre.

En décembre 1999 Ahmed Kelly entrait donc en vainqueur dans le pays qui l'avait toujours tant fasciné par la grande arche de la défense (il a beau ne pas être bien aligné, il reste le dernier arche qui soit effectivement à une entrée de Paris). Dans les quelques mois qui avaient suivi sa maritime entrée dans les affaires, Ahmed avait réussi en revendant le yacht et la marchandise et en torturant suffisamment son imprudent propriétaire à se faire un nom et à reprendre l'organisation du malheureux à son compte. Il avait bien sûr fallu pour cela investir dans des moyens de transports plus sécurisés et des ustensiles d'extorction plus perfectionnés mais à cette époque les marchands d'armes français n'étaient pas trop regardant sur les acheteurs tant qu'ils venaient d'afrique ; quelques têtes appartenant à des collaborateurs récalcitrants du précédent parrain durent aussi sauter mais les mêmes commerçants vous diront que l'on ne fait pas de trafic sans sacrifier quelques cranes ; mais dans l'ensemble rien de bien insurmontable pour notre vaillant Ahmed au coeur si bien accroché.

Une fois dans la capitale, Ahmed ne fut pas long à en découvrir les rouages et s'il eut quelques problèmes à combler le faussé culturelle entre les coutumes de son désert natal et l'improbable croyance populaire de l'époque qui voulait que la France fut la plus grande nation footballistique de la planète, il rencontra, et comprit vite l'avantage de connaître, Coraline, Madeleine, Lucy et leurs amies, surtout parmi une population qui se berce tant d'illusions. A la fin du mois il connaissait assez de monde pour passer en l'an 2000 d'une façon qui allait devenir une tradition pour Ahmed et ses amis et un rêve inaccessible pour ceux qui l'entrevoient ou qui n'en ressentent que les vibrations.

Ainsi commençait le nouveau millénaire, le millénaire d'Ahmed Kelly, celui de l'axe du mal, de la déliquescence et de la décadence, d'internet et de l'électronique, de la barbarie démocratique et de l'aveuglement prophétique, de l'écologie et du capitalisme. Ahmed Kelly le savait, Ahmed Kelly a choisi son camp, le sien, mais si Ahmed Kelly avait fait d'autres choix alors peut être le monde aurait il emprunté une autre direction car après tout quand on est capable d'arraisonner seul deux navires en une journée on doit bien être capable de se battre contre les courants et de diriger sa barque vers des eaux plus clémentes.

Car après tout, c'est écrit : c'est dans les déserts que l'on trouve les meilleurs marins.

Mais vous allez me dire que je n'ai pas expliqué le mystère qui entoure la date de naissance d'Ahmed Kelly et vous aurez l'impression de vous être un peu fait mener en bateau avec cette histoire. Ceci dit vous remarquerez, car vous êtes perspicaces, que je n'ai pas non plus expliqué pourquoi Ahmed ressentait un tel besoin de quitter sa tribu, ni comment il ne pouvait posséder à cette époque qu'une barque et une machette. Puis vous vous souviendrez qu'Ahmed Kelly n'offre jamais de cadeaux aux anniversaires (et encore moins pour la sacrée fête de naissance d'une boisson pétillante qui se marie fort bien avec les boissons alcoolisées à base d'orge malté) et déteste en recevoir et alors vous conclurez de vous mêmes que ce départ, ce mystère et cette attitude de chacal sont liés mais vous ne poserez pas plus de question car vous préférez préserver la vie privée de votre prophétique ami.

mercredi 16 décembre 2009

Dessine moi un mouton

Parfois, des gens font des commandes à Ahmed Kelly, directe ou indirecte : "C'est un peu chiant quand tu parles de politique", "ça fait longtemps que tu as pas fait un post marrant", "tu fais des phrases trop longues", "tu pars en couille" ...

Personnellement, je n'ai rien contre ce genre de demandes ou de commentaires, c'est cool d'avoir un retour sur son travail ; ce qui me gène plus en revanche c'est que personne n'arrive à me faire de doléances en adéquation avec mes envies personnelles. Du coup, j'en suis à me demander si mes lecteurs n'ont pas quelques lacunes en empathie télépathique. Ceci dit Ahmed Kelly sait bien que ce n'est pas vraiment vendeur de critiquer le lecteur dans ce métier donc il s'abstient et va répondre à une question : celle du petit David B. qui me demandait il y a peu : "Dis Tonton Ahmed, mon papa il veut pas me croire quand je lui dis que tu es un artiste, il dit que t'es rien qu'un fainéant et un sale escroc, pourquoi ? Pourquoi t'es pas un artiste ?"

Mes lecteurs adultes, réguliers et très demandeurs comprendront que je ne peux pas laisser ce pauvre garçon dans une telle incompréhension et me pardonneront donc de lui donner la priorité et de remettre à plus tard l'exaucement de leur si chers souhaits.

Et bien pour commencer mon petit David tu pourras dire à ton père que c'est un gros con et qu'il n'a rien compris à l'art, ensuite tu iras mettre de la glace sur ta joue pour qu'elle ne gonfle pas trop et tu pourras lui ressortir les arguments de tonton Ahmed.

Pour commencer, cassons une idée trop largement répandue chez le commun des mortels et, malheureusement, chez beaucoup de prétendants artistes : faire de l'art c'est pas de la tarte. Les gens comme ton père pensent qu'ils ont un vrai métier et qu'ils gagnent leur pain à la sueur de leur front alors que les artistes se la coulent douce en fumant des joints et en draguant occasionnellement de vieilles veuves qui ne savent plus quoi faire de leur blé ou de riches industriels qui espèrent s'acheter une respectabilité en faisant un peu de mécénat, mais tout cela est faux. Mais bon, Tonton Ahmed ne va pas te cacher la vérité : la pomme est pleinne de vers et, tu le découvriras sûrement à tes dépends, la plupart des gens ont abandonné le concept de morale dans le bac à sable où tu passes tes mercredis après midis ; et donc oui, il existe des gens qui font peu ou prou ce que décrit ton père mais on appelle généralement ces gens là des arnaqueurs. On pourrait débattre de savoir si l'arnaque est un art à part entière mais sur ce coup là Tonton Ahmed s'y connaît légèrement et il peut te dire que les autorités ne voyant pas d'un très bon oeil ce genre d'activités, il y a peu de chances que l'on fasse un jour des expositions sur l'arnaque au Grand Palais. Bon et puis commence pas à poser trop de questions non plus, tu devrais savoir qu'Ahmed Kelly n'aime pas les gens trop curieux ; ça me ferait mal de t'apprendre une autre vérité brutale de la société concernant les gens qui portent des armes mais ni uniformes, ni plaques officielles. Bref, il existe des artistes véreux, des papas étroits d'esprit et des enfants myopathes, la vie est une pute gamin, il faudra t'y faire. Mais stoppons là nos digressions pour revenir à nos métaphores alimentaires sur le difficile travail de l'artiste.

L'artiste par excellence, l'image d'Épinal de l'artiste si Ahmed ose dire, c'est le peintre dans son ateliers poussiéreux entourés de toiles plus ou moins achevées. On pourra déjà remarquer qu'il faut quand même se donner pour arriver à faire des tâches de peinture sur à peu près tout ce que contient un atelier avec une préférence marquée pour les endroits dont un pinceau ne devrait pas s'approcher à moins de trois mètres. Ce peintre donc, qui se donne tout autant pour souiller consciencieusement les parties les plus inutiles à la peinture de sa tenue vestimentaire, est, pour quelqu'un comme ton père, un sombre branleur qui, quand il n'est pas aux putes ou ivre mort dans un caniveau, donne vaguement quelques touches de pinceau sur une croute pour donner le change à ses créanciers. Pour les gens plus ouverts d'esprit, ce peintre a néanmoins un petit quelque chose de romantique qui le rend sympathique et puis finalement il est fauché comme les blés donc on ne peut pas vraiment lui en vouloir. Malheureusement, la modernité a aussi infesté la peinture et depuis qu'un espagnol chauve s'est amusé à peindre des musiciens avec la gueule carrée, des pelletés de gus pleins de tâches s'en foutent plein les poches en vendant des amas de peintures vaguement géométriques ne représentant généralement rien au premier abord avec la complicité de snobinards imbus de leur propre importance et des grands concepts qu'ils créent à la louche pour embobiner les rombières et les patrons suscités. Et depuis, même les gens qui regardaient avec un regard amusé ou apitoyé notre peintre vosgien de montmartre trouvent qu'il faudrait voir à pas les prendre pour des cons parce que leur progéniture décérébrée pourrait faire aussi bien sur leur ardoise magique. Et tu remarqueras que de ce coté là la modernité a fait beaucoup de mal à tout un tas d'autres arts, il suffit d'écouter pour s'en convaincre ces mêmes gens qualifier de bruit n'importe quel morceau de musique électronique ou de tas informe une sculpture moderne...

Mais, encore une fois, tout cela est faux, mon petit David, tous les grands peintres, mêmes les plus abstraits, ont commencé par tenter de reproduire l'objet le plus con que leurs maîtres pouvaient trouver, tous se sont briser les doigts à croquer en quelques minutes des gens nus, tous les musiciens se sont migrainés le crâne à apprendre le solfège ou les bases de la rythmique et tous les comédiens ont ravalé leur fierté pour mimer des poils de cul au fond d'un lavabo. Un artiste, quel qu'il soit, doit travailler comme un bâtard, pour le dire simplement, avant de maîtriser suffisamment son art, l'histoire de son art, son âme, son inspiration et plus que tout son geste afin de créer son oeuvre, d'y poser des fragments de son être et d'obtenir l'harmonie qui le satisfera, l'apaisera et touchera son public. L'artiste est en constant apprentissage, il se bat en permanence contre lui même, il poursuit toute sa vie l'inspiration et les évolutions de son art et il ne communique des sentiments au monde, et ainsi ne gagne sa vie, qu'au prix de ce travail perpétuel et monumental. Il n'est pas d'oeuvres reconnues qui n'aient été créées de cette façon car il n'y a pas de création sans labeur.

Admettons que ton père comprenne ce qu'Ahmed Kelly vient d'essayer de lui faire rentrer dans le crâne, Ahmed veut bien parier sa barbe qu'il continuera à te dire que ton idole n'est qu'un foutu parasite qui se lève tous les jours en début d'après midi pour aller faire le guignol sur une scène et se faire mousser sur des plateaux télés ou à des remises de prix bidons car ton père, comme beaucoup de gens, ne considère pas les acteurs comme des artistes. A sa décharge, il faudrait un nombre certain de mains pour compter le nombre d'acteurs foutrement mauvais, qui squattent le box-office et gâchent le travail de réalisateurs géniaux produits par de sombres andouilles, et le nombre de vagues célébrités, qui s'improvisent acteurs car ils ont trop rapidement atteint les limites de ce qui les a rendu célèbre, sur des doigts. Il n'empêche que les acteurs sont des artistes tout autant que les peintres ou les musiciens ; ce sont des artistes qui travaillent sur leur propre corps et sur leurs propres émotions pour donner vie à des personnages imaginaires ; ce sont des artistes qui à travers cette création se déchargent, comme les autres, des tourments de leurs âmes et des bouffés d'état créatif qui les rendraient fous si elles étaient trop longtemps contenues. Comme le peintre, le danseur, le sculpteur ou le musicien il recherche en permanence le geste parfait qui sublimera tous les essais, toutes les ébauches ou toutes les répétitions pour donner l'Oeuvre, la Création, qui touchera le public et qui comblera le commanditaire (que celui ci soit un réalisateur, un chef d'orchestre, un auteur, un compositeur, un mécène ou un quelconque producteur ; dans une société où l'argent est maître, l'artiste ne crée que trop rarement pour son seul plaisir). Car finalement l'art, sous toutes ses formes, n'est qu'un long combat entre l'artiste et son corps pour amener ce dernier à faire ce geste parfait qui exprimera enfin la pensée et la sensibilité de son propriétaire. Et, pour obtenir plus facilement ce geste parfait, l'artiste doit s'entraîner, travailler, répéter, bref, comme Ahmed te l'a expliqué plus haut : l'artiste doit se les sortir un peu du fondement et suer autant si ce n'est plus que ton malheureux paternel.

Normalement une fois arrivé là tu peux donc lui lancer à la face toute ton admiration pour cet homme, Ahmed Kelly, qui est fier d'être un acteur et un artiste et qui travaille comme un acharné pour améliorer son art et mériter ton admiration. Et si ton père continue à faire la forte tête, c'est avec plaisir qu'Ahmed Kelly lui montrera ses autres talents dans le domaine de la persuasion et de l'extorsion de fond avec ses deux plus fameux partenaires : Machette et Desert Eagle.

vendredi 13 novembre 2009

Week-Ends of Mayhem Part 2 : The Thin White Line






Après la fin du tour de magie champenois, les jours s'envolent et nous retrouvons Ahmed le Jeudi suivant. Et oui, emporté par des facéties chronologiques ce week end commence un jeudi, enfin plus ou moins ; disons que ce jeudi est une bonne mise en jambe.

Il faut savoir pour connaître tous les tenants et les aboutissants des circonstances des faits que je suis sur le point de vous raconter que vous ne comprendrez rien si vous n'apprenez pas ce qui suit. Enfin c'est à la discrétion du lecteur, Ahmed fait dans la narration démocratique, chacun prend ce qu'il veut, tout le monde peut commenter et Ahmed n'en fait qu'à sa tête. Bref, le jeudi en question Ahmed a travaillé une partie de l'après-midi à une présentation qui allait lui permettre de tirer un trait définitif sur une partie de sa vie qui aurait bien pu le conduire sur les bancs de la recherche académique, à l'académie royale de suède ou entre un tableau noir et deux douzaines d'étudiants décérébrés. Ne vous inquiétez pas, Ahmed n'est pas sur le point de changer de branche, bien au contraire, mais lorsqu'Ahmed commence quelque chose, il le finit ou il l'atomise mais comme on ne peut atomiser des études, il lui a bien fallu mettre les mains dans le cambouis. Une fois la fatidique présentation correctement bâclée et pauvrement répétée, Ahmed se retrouva dans une position délicate : d'un côté peaufiner les slides et ajouter quelques fioritures visuelles pour flatter l'oeil de l'auditoire téléphage ; d'un autre, rejoindre quelques amis dans un quelconque rade pour noyer l'ennui de la journée dans quelques bières et mettre son cerveau en condition pour la platitude du lendemain. Ahmed choisit la troisième solution et après un nombre raisonnable de bières et une foule de shooters diversement aromatisés, il rentra écraser paisiblement avec la douce assurance qu'il ne reprendrait totalement ses esprit qu'une fois la présentation présentée et l'auditoire embobinée par quelques improvisations oratoires subtilement distillées à partir de rémanences alcoolisées. Bien évidemment le plan d'Ahmed se déroula sans accro et il reprit ses esprits comme prévu dans un restaurant nippon face à celle qui n'éblouit plus mais qui reste de bonne compagnie.

Cette petite mise en jambe vous permet donc d'imaginer dans quel état Ahmed passa l'après midi : entre l'euphorie de la réussite et les remontés acides parfumées au poisson cru. Mais lorsque vint l'heure de l'apéro Ahmed a ingurgité suffisamment de café pour avoir retrouver la forme et c'est donc avec une sérieuse envie d'en découdre avec la sobriété qu'il prend la direction de son bar de prédilection en charmante compagnie. Là, rien a changé : la boisson coule à flot, Marie-Jeanne divertit l'assemblée et Ahmed et son amie retrouvent de gais compagnons pour commencer dignement la soirée. Il est prévu qu'ensuite ceux qui le voudront migreront vers un bar plus officiel de la ville lumière pour assister au set endiablé du très cher ami d'Ahmed Chuck P. mais le temps ne presse pas, Ahmed sait se faire désirer et sait surtout que lorsqu'on arrive avec Madeleine à son bras tout retard est pardonné. Quelques bières plus tard, Ahmed, ses compagnons et, surprenant plaisir, l'amie d'Ahmed frappent la route et s'enfoncent dans le métro un sandwich à la main.

Lorsqu'ils arrivent au bar Madeleine se fait discrète, Ahmed prend toujours ce genre de précaution quand il arrive dans un établissement qu'il ne connait pas, de plus il n'est pas sûr que son amie et Madeleine s'entendent parfaitement ; par contre Coraline est déjà là, excitée comme une puce comme il se doit, aux côtés d'un autre grand ami d'Ahmed, Diego M., qui devait aussi poser quelques galettes ce soir là. Les deux amis se serrent la main et déjà Coraline les prend par les épaules pour leur proposer de trouver un endroit tranquille afin de profiter de ses largesses. Personne ne se fait prier dans cette histoire et le trio se retrouve dans les toilettes de l'établissement. Quelques minutes plus tard, ils ressortent et sont accueillis par le videur de l'endroit qui, gentiment mais fermement, leur annonce qu'ils ne sont plus les bienvenus dans le bar et doivent vider les lieux séance tenante. Ahmed, soucieux de défendre l'honneur de Coraline et légèrement vexé par l'outrecuidance de l'agent de sécurité, finit son verre d'un trait, fixe le garde d'un regard et plonge déjà sa main sous sa veste pour résoudre cette affaire dans un juste déchainement de violence gratuite. Son geste lui fit cependant poser le regard sur l'amie qui l'a accompagné et sur Chuck derrière ses platines. Les liens de l'amitié sont plus forts pour Ahmed que les avances sulfureuses d'une fille de joie, quand bien même elle en procure autant que Coraline, et un bref éclair de lucidité lui fait entrevoir les conséquences dramatiques que pourrait avoir son geste sur le week end de ses amis. Magnanime, Ahmed stoppa donc son geste et sortit paisiblement de ce bar qui sera dorénavant frappé du sceau de l'infamie. A l'intérieur, un certain nombre de convives tentèrent diverses stratégies pour amadouer patrons et videurs mais rien n'y fit : le puritanisme qui s'instille dans toutes les allées de l'ancienne capitale mondiale de la fête les ronge jusqu'à la moelle et les moeurs libérés de Coraline leur font trembler l'échine et remonter les couilles.

Qu'à cela ne tienne, les amis d'Ahmed décident de continuer la soirée ailleurs et rejoignent la demeure de l'un d'entre eux. En chemin ils ont perdu la gente féminine mais ils savent qu'à l'arrivé rien n'empêchera plus Coraline et Madeleine de faire leurs shows. Choses promises choses dues, les hommes sont entre eux mais la musique, les réserves d'alcool et l'enthousiasme des deux naïades échauffent des esprits que Marie-Jeanne peine à calmer. La nuit s'écoule ensuite comme le vol immuable de l'albatros et à peine quelques instants avant que le métro ne reprenne sa course Chuck P. et l'heureux propriétaire de l'appartement font leur arrivé. S'il ne suffit que d'un prétexte pour lever son verre, celui-ci est amplement suffisant et Madeleine ne se fait pas prier pour resservir une tournée. Ahmed et ses amis sont donc encore en pleine euphorie quand le soleil pointe le bout de son rayon et rappelle au plus sérieux d'entre eux qu'une femme doit sûrement les attendre à la maison. Contraints, tout le monde rentre mais Chuck et Ahmed ne se laisseront jamais abattre par de si primaires considérations et décident de finir la soirée chez le premier. En chemin, les deux amis passent quelques coups de fil, rameutent les vrais gars et donnent quelques recommandations. Arrivés à destination, ils laissent Marie-Jeanne leur présenter sous un jour nouveau les envolées lyriques de Frédérique C. et Ludwig van B., macchabées de leur état et illustre compositeur dans des temps regrettés.

Quelques perles musicales plus tard, deux amies de Chuck et un très cher ami d'Ahmed rappliquent les bras chargés de cadeaux. Jack sera donc de l'after et Madeleine, ravie, accueille tout le monde de ses sulfureux baisés. Malheureusement, la belle a d'autres obligations et abandonne à contre coeur la compagnie. Les convives sont encore sous le charme mais savent qu'il ne durera pas toute la matinée, ils se concertent : un certain Bambi doit savoir comment joindre Coraline. Pas besoin d'en dire plus, le jeune chevreuil est appelé, rendez vous est pris. Ahmed et son ami vont faire quelques courses et reviennent quelques instants avant l'arrivé du fragile messie. Coraline est avec lui, encore plus resplendissante qu'en début de soirée, belle à croquer, fraiche comme la rosée et enflammé comme au premier jour. La soirée reprend, Ahmed s'essaie aux platines, abandonne vite, profite, rit et vit. L'instant aurait pu durer une éternité, perchés sur les toits de Paname, seuls au monde Ahmed et ses amis auraient pu rire à la face du monde et décider de ne plus jamais revenir. Dans cette si petite pièce leur horizon était infinie et qui sait dans quelle ville, sur quel continent, à quelle époque se seraient ils retrouvés en franchissant son seuil. Quand de cette façon le monde extérieur n'a pas de prise, l'homme est enfin libre de s'élever.

Mais le temps n'arrête pas son cour pour autant pour celui dont le nom fait trembler les escrocs de Paris à Rio et deux jours après avoir terrassé le dragon de la connaissance, Ahmed cesse de festoyer et retourne profiter du repos du guerrier victorieux. Détruire de bar honni sera un autre combat. De plus, il sait maintenant que Bambi a trouvé un très bonne mère de substitution et il se doute le lapin blanc ne doit pas être bien loin.

lundi 9 novembre 2009

Week-ends of Mayhem Part 1 : The Neverending Sparkling Magic

Commence aujourd'hui, une petite série de récits des week end parfois dantesques de ce cher Ahmed Kelly.





Cette première célébration de fin de semaine commence alors qu'Ahmed se demande s'il est vraiment raisonnable de se laisser encore éblouir par celle qui le fit si bien et alors que ses chères amies sont toutes indisponibles (même Marie-Jeanne, à vous dire à quel point cette histoire commence mal). Ahmed est donc là à l'attendre, elle qui éclairait ses nuits, et à se demander s'il n'est pas déjà en train de gâcher sa soirée. Il tente d'accélérer le temps à mesure que se consument ses cigarettes mais rien n'y fait : on ne trompe pas le cerveau d'Ahmed Kelly avec quelques blondes mal tassées. Seule distraction efficace pendant l'attente : un des meilleurs amis d'Ahmed, que nous appellerons Blondie pour préserver son anonymat et souligner le contraste capillaire entre les deux amis, l'appelle pour lui proposer de le rejoindre à une soirée d'une école politicienne parisienne dont il connait les organisateurs ; indécis quant à son avenir proche Ahmed décline l'invitation. Renseignements pris auprès d'un des étudiants de la dite école, Ahmed pense ne pas avoir raté grand chose, puis l'attente reprend.

Heureusement, la femme qui n'éblouit plus tant que ça n'est pas devenue cruelle pour autant et quelques minutes plus tard, elle pénètre dans le bar enfumé où l'attendait Ahmed. Elle est pressée, visiblement fatiguée et, peu encline à honorer ses engagements, propose de remettre ça au lendemain. Un rien agacé d'avoir attendu pour rien, Ahmed prend la mouche mais laisse son ancienne amante repartir. Mais Ahmed a pris une mouche vindicative qui ne les laissera pas s'en tirer à si bon compte, Ahmed rattrape donc son amie sur le point de quitter les lieux, il la confronte et le résultat est là : l'éblouissement n'est plus et la soirée vouée à l'échec. Résigné, Ahmed retourne au comptoir et commande la première boisson alcoolisée et pétillante de la soirée. Il fait le tour des possibilités et de son répertoire téléphonique, recommande une bière et rappelle son ami Blondie. Il lui fait part de ses doutes concernant la soirée proposée mais Blondie connait bien Ahmed et trouve un argument qui ne laisse plus de place aux doutes : les organisateurs, qu'il connait donc, ont prévu une bouteille de champagne par personne. Vous le savez Ahmed n'est pas du genre à hésiter longtemps pour prendre une décision et encore moins à refuser une si grande largesse, le sort en est donc jeté : ce sera la soirée dans l'école de politique.

Quelques bières et un sandwich plus tard, Ahmed approche de l'emplacement de la soirée : le quartier est beau, historique, assez inhabituel pour accueillir ce genre d'évènement ; le lieu est agréable, historique et aménagé pour accueillir ce genre d'évènement. La magie de l'alcool, combinée à l'enchantement du week end ne permettra jamais à Ahmed de retrouver l'endroit mais il n'en a cure, il sait très bien que le destin l'y reconduira si vraiment il le faut.
Ahmed arrive donc à l'entrée, habillé normalement pour un Vendredi soir qui s'annonçait sans grande prétention, les autres convives qui tentent de pénétrer dans l'établissement sont eux beaucoup plus fringués mais bien moins introduit. Ahmed est attendu à l'entrée, il salue le videur d'un grand sourire et entre sans plus de cérémonie ; ses amies l'attendent et ont prévenus ceux qui le méritaient de l'arrivée d'un Ahmed en grande forme. Habitué à des open-bars assez chaotique, Ahmed se dirige directement vers le bar et enchaîne les coupes mais quelque soit le nombre de coupes commandées, la fréquence de commande ou la mauvaise foi de celui qui commande, les serveurs sont toujours tout sourire et semblent ne pas souffrir de l'angoisse d'un soudain manque. Blondie n'avait pas menti, il y a de quoi faire couler le champagne à flot toute la nuit.

Ahmed en profite donc pour se mêler à la population et là quelque chose le frappe. Pour remettre un peu les choses dans leurs contextes, il faut savoir que ce week end se situe temporellement à la période où un certain Jean S., fils de de profession, vient de renoncer sous la pression populaire à un poste à haute responsabilité pour lequel il semblait bien trop inexpérimenté (la portée de ce coup politique nous fera peut être revoir ce jugement dans l'avenir, mais c'est là une autre question). Ahmed Kelly est donc là dans cette soirée normalement réservée aux élèves de la filière communication de cette école de politique renommée et il est frappé par le nombre de sosie de ce fameux Jean S. présent dans la salle ; frappé au point qu'entraîné par les volutes pétillantes de l'alcool du jour, il décide d'appeler tous ces sosies Jean, quelque soit leur nom véritable. Ahmed déambule, discute par ci par là, fait une remarque pernicieuse à un Jean dans l'erreur, blague un peu avec un Jean rigolard, se fait passer pour ce qu'il n'est pas, rencontre le directeur de la filière visiblement gêné et déblatère longtemps avec une inconnue sur les qualités et les défauts de ses chères amies qui n'ont pas pu venir ce soir.

Les heures passent et les amis d'Ahmed le rappellent à l'ordre : il ne faut oublier de gratifier le dance-floor et la gente féminine de leurs déhanchés proverbiaux. Blondie, Ahmed et un troisième larron descendent donc à la cave où Tequila T. tient les platines de mauvaise grâce. Ahmed et ses amis sont habiles et séduisants et il ne faut donc pas attendre longtemps pour les voir chacun une demoiselle au bras prêt à rentrer finir la nuit ailleurs. Blondie tergiverse, le champagne continue à couler, le troisième est parti déguster sa proie. Puis finalement un taxi est commandé et Ahmed rentre, seul mais heureux propriétaire d'une bouteille souvenir pétillante.

Le lendemain Ahmed est attendu pour affaire, il se lève donc de mauvaise grâce et court Paris de rendez vous en rendez vous. Le soir venu, son corps et son esprit souffrent et la magie pétillante n'est plus mais il ne faut pas se laisser abattre dans ce genre de situation et Ahmed accepte donc de partager un cocktail avec quelques uns de ses amis apprentis comédiens. Pour ne pas briser le sort, Ahmed commande une boisson à base de soda, de rhum et de menthe qu'affectionnent particulièrement nos amis cubains. Quelques verres plus tard, il est temps pour Ahmed de rejoindre l'appartement d'une de ses amies, que nous appellerons Pénélope B. pour ne pas préserver son anonymat et faire encore un peu de name dropping, pour fêter le départ de cette dernière vers des horizons lointains et pluvieux. Le principe de la soirée est simple : on ne rentre pas sans bouteille de champagne. Ahmed arrive donc avec la sienne et la magie reprend.

Le sort est encore plus beau car la soirée est privée et aucun serveur n'a été engagé, pourtant dès qu'il ne reste plus qu'une ou deux gorgées de nectar pétillant dans la coupe d'Ahmed, quelqu'un apparaît une bouteille à la main. Le verre d'Ahmed ne se vide donc jamais et tous les convives semblent apprécier la magie du moment, notamment une copine d'Ahmed à la jovialité communicative. La fête est donc dors et déjà réussi, les invités plus agréables et intéressants les uns que les autres et si ce n'avait été la petitesse du seul mètre carré de cuisine dont dispose l'appartement, elle aurait été parfaite. Les heures filent, changent au milieu de la nuit pour donner un petit répit aux fêtards mais la source de champagne commence à se tarir ; Ahmed et son amie, décidés à ne pas souffrir des affres du manque, prennent donc le parti de s'enfuir plus ou moins discrètement pour finir la soirée ailleurs.

Après une vague errance en taxi, le couple arrive à l'appartement de la demoiselle et visuellement, ou auditivement pour être plus précis, quelqu'un dans l'immeuble célèbre aussi dignement le changement d'heure ou le départ d'un proche. Ahmed et son amie cherchent avec attention dans les étages avant de se rendre compte que les fêtards sont ses propres voisins de palier. Ahmed sonne, la maîtresse de maison ouvre, reconnaît sa voisine, s'excuse platement de faire trop de bruit puis réalise qu'Ahmed et sa compagne n'ont pas vraiment la tête de personnes excédées par le bruit et qu'ils semblent un peu trop alcoolisés pour en souffrir plus tard. Elle les fait donc rentrer le plus gentiment du monde et les traite maintenant comme des invités de marque qu'il ne faut surtout pas décevoir et la magie reprend de plus belle : le magnum de champagne de leurs hôtes n'est qu'à moitié consommé et le maître des lieux, soucieux de l'hydratation de ses invités, ne laisse aucun verre se vider complétement. La fin de soirée est donc impromptue et le couple rejoint l'appartement voisin quelques heures plus tard agréablement surpris et passablement affamé.

Une courte matinée de sommeil plus tard, Ahmed rentre dans ses pénates pour se changer et faire un brin de toilette, il s'autorise une petite sieste puis retrouve l'appartement qu'il a quitté il y a quelques heures et sa charmante propriétaire pour l'anniversaire de cette dernière. Anniversaire oblige, le champagne recommence à couler gaiement mais Dimanche oblige il ne tiendra pas toute la nuit et effectivement les derniers convives s'en vont à une heure presque raisonnable pour une veille de lundi et Ahmed et son amie s'écroulent comme il convient après avoir subit un si long enchantement.

Moralité de cette histoire, comme dirait l'oncle Ben : "A grands pouvoirs, grandes responsabilités", en l'occurrence Ahmed en invoquant le dieu pétillant du sybaritisme a apporté la désolation sur les faibles espoirs de ses collaborateurs de le voir passer un week end calme et productif mais Ahmed n'en est pas à son premier tour de force et il a les épaules pour maîtriser le flot bouillonnant du breuvage du diable et de la civilisation. Le champagne fait rosir les joues, rougir les jouvenceaux et roter les jouisseurs mais d'Ahmed il ne fait que pétiller les idées.

jeudi 5 novembre 2009

Lettre ouverte à M.Eric Besson





Aujourd'hui, vous voulez parler d'identité nationale, c'est vous qui le dites pas moi, mais vous nous donnez à tous la parole et dans ce cas je me vois obligé de la prendre, Ahmed Kelly n'est pas du genre à refuser un cadeau.

Oui, moi, Ahmed Kelly, vais aujourd'hui parler de l'identité nationale française. Ceux qui me connaissent trouveront peut être cela bizarre, comment en effet quelqu'un qui se réclame apatride, grand chantre de la mondialisation et de l'abolition des frontières, à l'identité douteuse et à la généalogie obscure peut il parler sérieusement de ce qu'est l'identité d'un peuple dont il ne fait que parler la langue. Et bien cet homme que vous, messieurs qui portez si bien le portefeuille, n'accepteriez sûrement jamais à votre table de peur que l'information ne se retrouve par un hasard déplorable sur le bureau d'une publication que vous ne contrôlez pas, vous qui n'hésitez pas à affréter des avions pour renvoyer mes semblables au devant d'une mort certaine mais qui fermeriez volontiers les yeux sur mes problèmes de nationalité si vous calculiez les revenus que génèrent pour vos finances mes activités dites douteuses ; cet homme va vous parler d'identité nationale car depuis qu'il sait lire, il a rêvé de la France et depuis qu'il le peut, il y vit. Il a rêvé d'une France qui rêvait à l'international, il a rêvé d'une France que l'on admirait de par les mers et les terres, il a rêvé d'une France à la pointe de la pensée humaniste. Il croyait que dans le pays des droits de l'homme, il pourrait vivre comme un homme, qu'il serait reconnu en tant que tel et que son intellect prévaudrait sur sa couleur de peau ou sur sa langue d'origine.

J'ai été élevé dans une des langues les plus difficiles et les plus riches qui existent, des millions de pages, d'idées, de pensées, de raisonnements et de vers ont été écrits dans cette langue et pourtant dès lors que je l'ai découvert, je n'ai eu de cesse de vouloir l'apprendre le français et de le maîtriser parfaitement. Je pensais que cette langue était le passeport vers la philosophie et l'humanisme, je pensais que n'importe où dans le monde elle serait comprise et appréciée et que celui qui la parle serait immédiatement respecté. Pour moi le français, l'homme, celui qui est né en France, celui dont les ancêtres ont promené les premiers des têtes d'aristocrates au bout d'une pique, celui qui a organisé des funérailles nationales au plus grand de ses écrivains, celui qui réserve à ses grands hommes et à ses grandes femmes, ses scientifiques, ses penseurs et ses poètes l'un des plus beau monument de sa capitale, celui qui descend dans la rue pour défendre la démocratie et les droits de l'homme, celui qui élève au rang d'art la cuisine, celui qui a écrit des articles et des pièces qui ont fait vaciller des gouvernements, celui-là était mon héros ; celui là je voulais le rejoindre et lui ressembler.

Je ne voulais pas nécessairement vivre en France, tant qu'on me laissait le droit d'y aller et d'y circuler à ma guise, je ne voulais même pas forcément être français, car je n'ai que faire des avantages d'une nationalité et je me fiche de pouvoir choisir des gouvernants qui n'auront pas de prise sur moi. Par contre, je voulais rejoindre la communauté intellectuelle francophone, je voulais être de ceux qui peuvent se sentir fier des discours prononcés dans leur langue, je voulais faire parti de la nation qui envers toute considération économique ou militaire s'insurgerait contre une initiative guerrière inique, qui serait à l'origine de négociations de paix désespérées, qui malgré la pression de la communauté occidentale tendrait la main vers les peuples souffrant de l'opprobre diplomatique. Je pensais que dans cette ère moderne, d'échange, de voyage, de mondialisation, d'internationalisation, ce pays, qui a battis sa devise sur les écrits de penseurs éclairés qui n'ont pas eu peur, il y a de cela plusieurs siècle, de puiser dans les sagesses orientales et arabes les idées qui allaient révolutionner non seulement leur pays mais aussi la pensée de tout un continent, pour les siècles à venir ; je pensais que ce pays serait celui qui m'accepterait le mieux et dans lequel je verrais apparaître le nouveau phare qui indiquerait au monde les récifs et les écueils de cette période troublée.

Pour moi, l'identité nationale française ne repose pas sur un drapeau ou sur un hymne guerrier mais sur une pensée, une ouverture d'esprit, une philosophie qui donne à tous ceux qui la partagent une fierté intellectuelle qui ne s'embarrasse pas de couleurs de peau, de nationalités ou de confessions. La France, pour moi, était un havre de paix, le creuset dans lequel tout un chacun pouvait apporter sa culture et ses traditions et ainsi poser sa pierre à l'édifice d'une humanité meilleure ; mais peut être n'étais-je alors et peut être resté-je un enfant rêveur.

Car aujourd'hui, que vois je ? Je vois des gouvernants qui bafouent cette langue que j'admire, je les vois tenter de discourir et de donner du sens à des mots qu'ils ont l'air de ne pas comprendre, je vois un parti qui tente de s'ériger en parti unique faire perdre à ses propres membres la faculté de penser par eux mêmes, je les vois, à l'unisson, abreuver de formules et de phrases toutes faites qui sentent plus le bois que la plume, des médias, qui ont pratiquement oublié l'idée d'indépendance. Je les vois piétiner sans cesse l'héritage des Lumières, je pleurs presque chaque jour de voir ce pays de liberté se transformer et dépérir. Je les vois chaque jour tenter par des pirouettes intellectuelles de bas niveau de justifier leurs exactions et leurs manœuvres politiciennes, et je souffre de les voir alimenter ce massacre déplorable d'une philosophie éternelle pour le bien de petits privilèges mesquins. Tels les personnages de Molière, ils sont les caricatures des maux qui pourrissent une société mais malheureusement pour nous, ils font de la France une terre de rejet où ce n'est pas de sitôt que nous reverrons germer les pouces d'une culture d'avant garde qui redonnera au monde un cap et aux français une identité.

M. Besson, je doute qu'un jour vous ne lisiez cette lettre mais je doute de tout un tas d'autre chose. Mais le cas échéant, j'espère que j'aurais réussi à vous toucher car je crois qu'au fond de vous, malgré l'image que vous montrez, malgré vos exactions politiques de ces trois dernières années et malgré tout ce que mon instinct me fait penser de vous, il y a un homme intelligent, un homme qui croit que Voltaire est immortel et qui fera tout pour qu'il le reste et pour ne pas participer à sa destruction.

Veuillez, monsieur, accepter l'expression de mes sentiments les meilleurs ; vous ne me rencontrerez jamais mais j'espère pouvoir participer au débat.

Sincèrement,

Ahmed Kelly

vendredi 30 octobre 2009

Valse avec Ahmed




Ce soir, Ahmed a bu plus qu'il n'aurait du ; ce soir, Ahmed voudrait écrire plus qu'il ne le peut ; ce soir Ahmed est dépité mais ce soir, comme tous les soirs, est la fin d'un mouvement.

Pendant son silence, Ahmed a changé : il n'est plus ébloui, il voit la futilité derrière la brillance, il valse avec ce qu'il lui reste et navigue toujours difficilement mais plus sûrement sur les eaux boueuses du danube. Ce soir Ahmed est viennois, hier il était américain, demain il sera russe. Ahmed est partout, Ahmed se terre et finalement Ahmed se réveille.

On a beaucoup dit à Ahmed, alors qu'il n'allait pas bien, que la libération se trouvait dans l'écriture, que la libération se trouvait dans le travail, que la libération se trouvait dans l'occupation. Mais Ahmed n'en a cure, Ahmed est et sera toujours libre, Ahmed sait la liberté, Ahmed a inventé la liberté.

Ahmed n'a jamais eu besoin de se libérer, Ahmed souffre sur un autre plan. Spectateur de sa propre vie, il se voit subir, contemple son désespoir, analyse sa souffrance ; d'un geste souple il la balaie et se retrouve face à lui-même et d'un coup la vraie peine apparaît. Ils se regardent, se jaugent, se cherchent, s'invectivent un peu et se tournent autour. Ils apprennent à se connaître, se retrouvent dos à dos, se retournent, se perdent et s'empoignent.

Ahmed a connu pire : des tréfonds du désespoir il est toujours remonté, de cette peine là il ne fera qu'une bouché.

Pourtant le corps d'Ahmed a failli lacher prise, il a voulu abandonner, s'est laissé submerger par la houle maladive de la désespérance. Amoindri, Ahmed a du lutter contre ses entrailles. La lutte fut sévère, les victoires dignes de Pyrrhus mais Ahmed a vaincu, il a mis au pas la nature.

Les ennemis d'Ahmed ont essayé de profiter de son état de faiblesse et jusque dans son lit ont essayé de l'atteindre. Certains ont réussi, ils n'en seront que plus durement châtié, les autres se sont écrasés sur la dure parois de son indifférence et à travers les bulles de sang qu'ils cracheront sur les ruines de leurs vanités ils se repentiront et demanderont pardon d'avoir douté.

Aux cotés d'un Ahmed affaibli, ses amies se sont montrées plus fortes et dévouées que jamais. Il a pu vérifier leur loyauté, ils ont renforcé leur amitié car c'est dans l'adversité que les rats aident les marins et s'ils quittent le navire ce n'est que pour avertir ces derniers que tout espoir est vain. En l'occurrence, elles n'ont jamais douté, pas une seule seconde, même quand elles ont du veiller à son chevet ; leur amour est indéfectible.

Ahmed a quand même failli se perdre dans les méandres d'un fleuve qu'il ne connaît pas, il y a d'ailleurs perdu quelques jours. La brume a ce côté hypnotique qui avale le voyageur imprudent mais Ahmed fait confiance à ses sens et c'est la vrai musique de la beauté qui l'a reconduit vers les eaux calmes de la sérénité.

Mais il suffit, il ne sied pas à quelqu'un comme Ahmed de s'apitoyer sur son sort ; les phares n'ont pas peur du noir. Ce soir Ahmed est viennois, hier il était américain, demain il sera russe. Ahmed est partout, Ahmed se terre et finalement Ahmed se réveille.

lundi 19 octobre 2009

Retour de flammes





Pour son retour sur le devant de la scène (quelle scène ?), Ahmed a envi de créer la polémique. Pourquoi ? Et bien simplement parce que Brice H., Frédéric M., et Jean S. l'ont fait ces dernières semaines et qu'il n'y a pas de raison qu'ils soient les seuls à avoir ce privilège.

Vous vous en êtes sûrement rendu compte, Ahmed s'est fait discret depuis le début du mois de septembre, ce que la majorité des gens appellent, contraint par la pression sociale, "la rentrée" (le début de l'année pour tous ceux qui sont en rapport plus ou moins proche avec une quelconque scolarité ou ceux qui suivent l'actualité politique/culturelle/télévisuelle, soit à peu près 95% des occidentaux ; ils vont bien finir par changer le calendrier ...). Vous vous attendez donc à de sulfureuses révélations pour justifier cette absence, vous imaginez déjà à quel point elles pourraient être scandaleuses et vous vous préparez fébrilement à entretenir la polémique promise. Malheureusement pour vous, Ahmed ne vous fera pas ce plaisir et il gardera pour lui les raisons de son silence. Non pas qu'elles ne soient pas à la hauteur de ce que vous pouvez imaginer mais, voyez vous, certaines choses gagnent à être dissimulées et certaines personnes perdent moins à ne pas les découvrir. Contentez vous de savoir que les affaires d'Ahmed vont bien, que la santé d'Ahmed va bien et que si vous n'en avez pas entendu parler aux infos c'est que personne n'a souffert, physiquement.

Bien mais revenons à cette polémique que vous attendez tant. Ahmed a du se creuser un peu la cervelle pour en trouver un belle. En effet, il ne possède pas de rancune particulière envers une ethnie sensible à part les roux mais qui se soucie d'eux de nos jours ; il a une sexualité légale dans la plupart des pays occidentaux et moralement peu condamnable vu les tarifs qu'il accepte ; et enfin il ne peut espérer aucune aide de son père car il y a bien longtemps qu'il a troqué la caravane pour la caravelle. Vous me direz que ce sont là des motifs de polémique abordable pour un personnage politique ou publique mais pas pour quelqu'un qui, comme Ahmed, par essence, recherche le secret et la discrétion. L'oligarchie dirigeante du pays des droits de l'homme serait donc seule à même de profiter des plaisirs de la polémique publique, voilà une pensée qui ne fait pas honneur aux principes de la déclaration fondamentale sur laquelle repose la république du pays précité. Pourquoi donc ces gens seraient les seuls à avoir le droit d'être victime d'une polémique ? Pourquoi tout un chacun ne peut il pas prétendre à remplir les colonnes des journaux sérieux grâce à son immoralité, à ses propos déplacés, à ses prises de position douteuses ou à ses manipulations vénales et indiscrètes ? Ahmed, qui possède dans ses archives de quoi remplir le Monde pour les deux prochaines décennies, pose la question, tape du poing sur la table et remonte en début de file ; car il est assez réaliste pour savoir que le vulgus pécum n'aura le droit à un entrefilet dans les journaux d'information que dans la rubrique nécrologique.

Certains à ce moment de la discussion s'inscriront en faux et argumenteront en disant que de telles polémiques polluent le débat politique et ne font pas avancer le schmilblick. Cela serait sûrement vrai dans d'autres circonstances mais dans un pays où pour être important il faut apparaître dans les publications possédant le plus gros impact factor, comme disent nos amis scientifique, ce n'est qu'une juste conséquence d'une tentative inique de monopoliser l'espace publique. Lorsque la moindre remise de médaille, la moindre visite de courtoisie dans tel ou tel établissement à problèmes ou à réussites, le plus simple changement de papier à lettre devient un évènement politique de premier plan et occulte la dizaine de millier de pauvres à l'agonie de l'autre coté d'une quelconque étendue d'eau salée, il ne faut pas s'étonner que les journalistes finissent par prendre le plis et fassent profit du plus petit écart.

Comme le disait très justement un certain Sun T. il y a plus de deux millénaires et demi, il ne faut pas hésiter à utiliser les armes de son adversaire pour le battre ; quand un gouvernement utilise le battage médiatique pour attirer l'attention du publique vers la potiche pendant que le magicien trie les cartes, il ne faut donc pas s'étonner de voir le même publique aux aguets de la plus petite erreur, cris et hués chargés. Ahmed qui tient en sainte horreur les prestidigitateurs le sait bien et aucun de ces prétendus magiciens n'a pu refuser de faire son spectacle en pleine lumière tenu en joue par les gardes d'Ahmed disposés en cercle autour d'eux. Ils connaissent les risques en embrassant la profession et ce ne sont pas les premiers à jouer un jeu dangereux et à risquer la peine de mauvaise foi.

Pourtant Ahmed a beau chercher, il ne trouve nulle part une telle peine prévue par la loi. Il voit au contraire toute la classe politique s'indigner de voir les polémiques s'enchaîner avec cet air outré si mal reproduit qui cache avec beaucoup de peine la peur sous-jacente de se voir la prochaine victime de cette chasse aux faux pas. Et de s'en suivre des trésors de mauvaise foi, de langue de bois et d'indigne émois. De voir ces hommes et ces femmes se draper dans leur fierté et monter aux créneaux pour défendre leurs petits camarades pris sur le fait, Ahmed convulse et brise son mobilier. En affaire, il a déjà eu à faire à des individus de la même espèce qui, pris en flagrant délit d'arnaque avérée, nient, réfutent, débattent, détournent l'attention, poudrent énergiquement yeux et caméras et s'indignent, avec d'autant plus de véhémence qu'ils se savent coupables. Face à de tels énergumènes il a pris pour habitude de juger rapidement et de ne pas chercher de circonstances atténuantes ; la châtiment est immédiat : Ahmed leur fait clouer la langue au menton et les gave d'étrons de couleuvres. Ensuite seulement ils sont jugés pour leur premier crime et finisses généralement avec du plomb dans le lobe temporal.

En politique le châtiment est peut être un peu disproportionné et il est probable que l'opinion publique n'accepte pas ce genre de traitements que l'on juge rapidement à la limite de la sauvagerie ; Ahmed veut bien le comprendre, si l'opinion publique accepte de se faire marcher sur les pieds pour préserver la moralité de son pays, c'est son droit. Mais si l'opinion publique avait un tant soit peu de couilles et un peu plus de mémoire qu'un bernard-l'hermite, elle sanctionnerait quand même sévèrement ces exactions qui détournent de plus en plus de monde de la vie de la cité et amènent de plus en plus d'amis d'Ahmed dans la profession. Ahmed a toujours dit qu'il serait un très bon chef d'état mais il ne s'est jamais caché du fait qu'il ne porte pas la démocratie en très haute estime et il doute que les gens avec lesquels ils travaillent s'encombrent de beaucoup de scrupules. En attendant il ne pense pas faire parti de l'opinion publique, ni de la population des électeurs et donc il a la conscience tranquille et le fondement intègre.

Mais exprimons pour terminer cette polémique pour ne laisser personne sur sa faim : pour ou contre l'exclusion sociale totale et définitive de tout homme politique convaincu de malversation, mensonge, fausse promesse, népotisme, délit d'initié, favoritisme, fraude électorale ou abus de confiance ou delangue de bois ?

Et par exclusion sociale totale et définitive, Ahmed entend bien sûr : inéligibilité à perpétuité, confiscation de tous biens matériels au bénéfice de la communauté, interdiction bancaire et télévisuelle, retrait de tout titre, médaille ou poste honorifique, de toute pensions ou avantages liés à une ancienne fonction et opprobre nationale (avec tourné du pilori dans tout le pays et distribution gratuite de fruits pourris).

En attendant ce jour béni, Ahmed s'en va tirer sur des citrouilles.

lundi 5 octobre 2009

By The Way

Pour les quelques personnes qui passent encore sur cette page pour vérifier qu'une nouvelle note n'est pas apparu subrepticement ou pour les gens qui savent se servir d'un flux RSS, je souhaiterai d'abord m'excuser de ne pas avoir poster depuis tant de temps.

Voyez vous dans la vie d'Ahmed Kelly il y a aussi des drames et celui qui est advenu au début du mois de Septembre m'a coupé l'inspiration aussi net que la tonsure d'un légionnaire. J'ai essayé plusieurs fois de me remettre devant mon clavier mais rien n'est venu, ou alors si mauvais que je ne pouvais décemment pas le publier, même ici. Mais la nécessité fait qu'il va bien falloir que je m'y remette si je veux mettre du beurre dans mes épinards et surtout avoir l'impression de créer un peu quelque chose. Je n'ai pas oublié mes projets, d'autres se sont même greffés à la masse, et je ne désespère pas les boucler un jour ; d'ici là je vais commencer par refaire un peu chauffer la touche en écrivant quelque chose ici même.

Deuxièmement je voulais vous prévenir qu'Ahmed Kelly est maintenant un membre à part entière de la blogosphère puisqu'il a aidé à remplir le blog d'un de ses amis, Kuhn pour le citer, qui tient Mort Aux Cons que vous pouvez trouver dans le blogroll situé sur la droite de votre écran, et qui est actuellement en vacance à Bollywood, le veinard.

Voilà, voilà, à bientôt donc pour de nouvelles divagations d'Ahmed Kelly, touché mais incoulable.

vendredi 21 août 2009

Mélomanie technologique





Aujourd'hui Ahmed avait décidé de se reposer et de ne pas écrire, histoire de ne pas assécher sa source d'inspiration, ce qui est un rien paradoxale car tout écrivain qui se respecte vous dira qu'il vaut mieux que l'inspiration soit sèche, ça brûle moins la gorge.

Mais bon que voulez vous, Ahmed ne peut pas s'en empêcher et puis franchement l'alternative est si peu brillante qu'il préfère prendre le risque de subir l'angoisse de la page blanche, il doublera les rations d'inspirations...

De toute façon, depuis que les habitants de la ville lumière l'ont fuit pour laisser la place aux éphémères, et si facilement bernables, clients de la période estivale, Ahmed trouve la vie plutôt calme. Les acharnés de la trompe étant en train d'exercer leur dévorante passion sur les routes de Provence, les rues du 8e parigot sont d'un calme olympien, comme quoi il n'y a pas que des désavantages à bosser dans un quartier de nantis. Ahmed a tout de même un petit pincement au coeur quand il pense à ses amis bergers dont les bêtes se font des ulcères à chaque fois qu'un de ces énervés croient voir un camion de livraison mais il se dit pour se rassurer qu'il y a bien longtemps que les bergers ne se font plus de gras avec les panses de leurs brebis et que, puisqu'il parait que les plantes poussent mieux en musique, ils se rattraperont bien au moment de la moisson (en espérant que Marie-Jeanne n'ait pas trop l'oreille musicale). Et après on émet des doutes quand Ahmed dit qu'il fait dans le social, pourtant depuis qu'Ahmed fait garder les troupeaux de Marie-Jeanne par les bergers provençaux, non seulement ils ont beaucoup moins à se fatiguer mais en plus ils peuvent garder leurs compagnes à quatre pattes bien plus longtemps, en n'ayant juste à les peloter un peu de temps en temps pour les soulager et en ayant même plus à vivre dans la puanteur d'une fromagerie artisanale. Parfois, Ahmed se dit même qu'il aurait pu être berger : le grand air, la liberté, le clébard vif et intelligent, une parfaite existence d'épicurien quand on y réfléchit.

Seulement voilà, la vie dans les pâturages présente des inconvénients intolérables pour Ahmed Kelly. Pour commencer, la solitude. Ahmed n'est pas contre, loin de là, il vit d'ailleurs dans une relative solitude dans son palais d'ivoire (oui les tours c'est grave pas éco-friendly, Al G. et Yann A.-B. sont de bons clients, ne les fâchons pas) sauf qu'à tout moment, d'un claquement de doigt, il peut faire venir un garde qui s'empressera d'accéder à sa moindre demande (ou de la transmettre à quelqu'un qui sait lire, le cas échéant). Alors que perdu au milieu d'une colline pourrie avec douze chèvres rachitiques et un cabot abruti, quand votre briquet vous lâche, vous pourrez toujours courir pour vous en griller une petite. Et c'est là qu'on regrette de pas avoir pris danse de l'orage au camp scout...
Deuxième problème de taille, la technologie. Imaginons que vous ayez de la chance et que vos biques acceptent de paître pas trop loin d'une antenne relais, alors vous aurez peut être la possibilité d'afficher google en moins de 5 minutes sur votre téléphone 3G+ mais après avoir annihilé tout ce qu'il vous restait de patience pour regarder les infos, il y a de forte chance pour que cette petite merveille de technologie crie famine et vous fasse la gueule jusqu'à ce que vous lui ayez donné son électrique pitance. Et là rebelote : vous pouvez toujours vous brosser pour trouver du 220 en rase campagne. Vous me direz qu'avec ses moyens Ahmed pourraient palier à ce problème et installer un groupe électrogène ou une éolienne à proximité du pâturage. Sauf que de cette façon vous pourrissez complètement le concept de retour à la nature et de retraite verte et puis si vous croyez que ses putes de chèvres accepteront de rester tout un été à portée de câble d'alimentation d'une source électrique vous fourrez le doigt dans l'oeil jusqu'aux bronches : une chèvre ça a besoin de se dépenser et surtout ça bouffe ; en troupeau ça te désertifie un terrain de foot en une nuit. Du coup, à part le solaire, oualou ! et Ahmed n'a pas envie de se promener avec un chapeau ridicule recouvert de cellules photovoltaïques.

Et là vous vous dites que c'est quand même bien malheureux de se fermer tant de portes à cause d'une bête dépendance à la technologie et Ahmed vous rétorque que la plupart des gens se ferment aussi beaucoup de portes à cause d'une bête dépendance à la santé. Mais ce n'est que de la mauvaise foi parce que dans le fond Ahmed sait bien que vous avez raison, il ne peut pas se passer d'un ordinateur ; et pas, comme vous vous l'imaginez déjà, bande de satyres, pour se rincer l'œil devant des comptes rendus visuelles de réunions saphiques. Non, Ahmed le confesse ce n'est pas la fesse qui l'attire mais le clavier ; dérèglement générationnel oblige, il écrit mieux, plus rapidement et plus efficacement sur un clavier qu'avec une plume et sa passion pour l'écriture est en grande partie liée à l'instrument.

La danse rapide des doigts sur les touches, le rythme et la musique qui en découlent, la précision mécanique et irréelle des mouvements, la transe qui l'accompagne, tout cela fait partie intégrante de l'écriture pour Ahmed et le lui enlever serait lui gâcher son plaisir. Il choisit même ses claviers en fonction de leur sonorité et tel un mélomane rue de Rome, il parcourt les boutiques de la rue Montgallet en quête du clavier le mieux accordé. Lorsque son travail lui donne l'occasion de se rapprocher de la Silicon Valley, il se précipite, une mallette sous le bras, chez ce petit artisan qui fabrique encore des claviers selon la tradition dans l'ancien garage des Jobs. Là, sous une lumière vacillante, le vieil homme retire sa création de son écrin de velours et, méticuleusement, inspecte chaque touche, la nettoie, la réajuste d'un imperceptible mouvement de ses instruments d'orfèvre, puis il pianote doucement presque précautionneusement des mots que lui seul voit, caresse son oeuvre et la remet entre les mains d'Ahmed avec dans le regard la mélancolie de celui qui abandonne son enfant pour le confier à celui qui l'entraînera vers des mondes dont il n'ose rêver.

Cette douce mélodie, Ahmed sait qu'il ne pourra pas la retrouver en pleine nature et il laisse donc aux bergers la joie des grands espaces et le chant des brebis au clair de lune. Et puis franchement, abandonner des demeures somptueuses aux quatre coins de la planète pour aller se ruiner les lombaires sur un lit en paille, faut le vouloir. Certains diront que c'est désespérément matérialiste mais ceux là n'ont jamais goûté au luxe de la vie d'Ahmed Kelly. L'argent ne fait peut être pas le bonheur mais le bonheur est bien plus sympathique dans des draps en soie et des piscines de champagne, foi d'Ahmed Kelly !!

jeudi 20 août 2009

Voltaire est immortel




Aujourd'hui Ahmed est un peu stressé.

Non pas qu'il soit surchargé par le boulot, au contraire les affaires vont bien ; il n'a pas eu de nouvelles des gardes qui surveillent les petits revendeurs sur toutes les plages d'Europe donc tout doit aller pour le mieux ("pas de nouvelles, bonnes nouvelles" c'est de l'optimisation) et pendant la journée le mois d'août aidant Ahmed n'a pas besoin de se fouler.

Non Ahmed est stressé pour une autre raison : voyez vous Ahmed n'a pas vraiment l'habitude de se remettre en question, c'est un des travers de la vie de pacha, quand personne n'ose vous répondre par peur d'un quelconque châtiment, vous finissez par croire que tout ce que vous faites est parfait. Heureusement pour lui, Ahmed possède des amis proches qui ne s'embarrassent pas de ces considérations protectrices et qui n'hésiteront pas à lui rentrer dedans s'ils estiment qu'Ahmed le mérite. Seulement on ne travaille pas avec ses amis dans la branche d'Ahmed - si on veut les garder - et on ne leur soumet que trop rarement nos créations personnelles. Car voilà ce qui stresse un peu Ahmed, il crée depuis quelques temps, cela le libère , cela l'apaise et paradoxalement, car ses créations sont entièrement numérique et littéraire, il a la sensation de produire quelque chose de plus concret. Un type en toge plutôt inspiré a écrit un jour que les paroles étaient des papillons et les écrits des arbres (ou peut être n'a t il parlé que de leur persistance temporelle, je ne sais plus, les gens ne font pas assez de métaphore animalière...) mais ce gars là n'ayant jamais connu le futale, il n'a forcément jamais rien ajouté sur les blogs.

Vous me direz qu'Ahmed n'est pas stressé lorsqu'il écrit ici. Oui mais il y a une grande différence entre écrire un blog et écrire pour une commande ou écrire pour soi et ensuite donner sa production à un éventuel éditeur. Dans le premier cas, personne n'est là pour vous empêcher d'écrire et si l'idée me prenait d'écrire tout un article au passé antérieur il n'y aurait personne pour me le reprocher, puisque par définition l'internaute anonyme peut être le dernier des cons pour tout ce qu'Ahmed en sait. Par contre, lorsque la sanction (au sens générale du terme, rassurez vous personne ne fessera Ahmed) est immédiate et provient de quelqu'un qui a le pouvoir de décision sur la publication ou non de votre production alors l'enjeu apparaît et la réussite n'est pas automatique. D'où la remise en question : "Ô mon dieu qu'ai je fait ? Franck R. (sportif munichois - NdlR) écrit mieux que ça".

Vous qui connaissez Ahmed, vous allez vous étonner de lui voir aussi peu de confiance en soi. Oui mais justement c'est là que le problème d'autorité refait surface, Ahmed a une confiance totale en lui lorsqu'il s'agit de mener à bien une transaction, de corrompre un fonctionnaire pointilleux ou de présenter une de ses amies à un inconnu parce qu'il sait que les conséquences d'un échec ne seraient que de simples contretemps pour lui (pour les autres c'est un autre problème) et le collaborateur/client/partenaire qui lui manquerait de respect sait très bien qu'il risque de les présenter vite aux poissons ses respects. Alors que dans le cas qui nous occupe ce n'est pas possible, un éditeur avec un trou de la taille d'une balle de golf dans le front est aussi utile qu'un iphone 3G à Pyongyang (quoique ça a l'air de pouvoir servir d'arme quand il fait trop chaud...) et Ahmed n'a donc d'autres choix que de se dépasser, de donner ce qu'il a de mieux et de suer des mains en attendant le verdict ; et il sue d'autant plus des mains qu'il sait que ce n'est sûrement pas stressé qu'on produit des chefs d'œuvre (or Ahmed ne veut produire que des chefs d'oeuvre, narcissisme, orgueil et mégalomanie, un mélange au poil !!).

Par contre Ahmed n'a jamais tant écrit que ces trois derniers jours et ça c'est une bonne nouvelle parce qu'il a passé trois jours excellents et qu'il sent qu'il pourrait aisément faire ça tous les jours si on le payait pour. Si on le payait pour et si on lui donnait un meilleur bureau aussi, un meilleur siège notamment, parce que rester toute une journée courbé en face d'un ordinateur portable posé sur un tabouret c'est loin d'être recommandé par l'union française pour la santé bucco-dentaire, plus par l'association européenne de chiropractie mais Ahmed sent la cupidité fourrer son groin humide dans ce tas de fumier.

Mais rassurez vous ce genre de stress est bénéfique, il veut dire qu'il se passe des choses dans la vie d'Ahmed et que même seul il peut encore penser à autre chose qu'à Celle qui Éblouit et s'il se plaint un peu ici de ce stress ce n'est que par habitude et nécessité de relâcher un peu de cette pression car comme on dit chez lui : "les filles, couvrez vous, les homards sont encore gris".

vendredi 14 août 2009

Like a rolling boat





Il y a quelques jours, Ahmed Kelly a fait un voyage en bateau.

Ne vous interrogez pas sur ce qui me pousse à vous parler de ça, Ahmed Kelly a le pied marin. Son aïeul d'ailleurs, Ahmed Hassan Al-Zafir, était un marin réputé, corsaire à ses heures perdues et véritable gentilhomme de fortune à condition de ne pas être trop regardant sur les détails. Le fait qu'Ahmed Kelly prenne le bateau n'est donc pas en soi une révolution, ce sont les évènements dont le navire fut le théâtre qui valent le prix de l'encre.

Ahmed donc avait rendez vous avec quelques uns de ses amis proches sur un bâtiment un peu particulier. En amateur de belles coques et de traditions glorieuses, Ahmed s'attendait à être accueilli sur une majestueuse goélette ou une jonque exotique. Mais point de voiles, ni de gréement pour l'accueillir, le bateau est à moteur. La déception n'est tout de même pas totale car le navire n'est tout de même pas banal, il porte en effet en son sein, situé approximativement au milieu du pont supérieur, un phare. Pas le phare phallique qui affronte seul au bout d'une pointe rocheuse les caprices de la mer, symbole de la fierté masculine combattant isolée la fureur féminine (sic) et refuge de rêveurs ou de machistes éconduits, mais un phare tout de même. Le bateau était donc original et paraissait être tout à fait approprié à la soirée à laquelle il avait été convié.

Vous le connaissez, Ahmed n'est pas du genre à arriver les mains vides à une soirée ; c'est donc en toute amitié, et par soucis de ravir les autres convives de sa présence, qu'il prit Madeleine comme cavalière. Pour ne pas vous mentir, Ahmed, sans être un habitué, avait déjà visité les cabines de ce vaisseau et possédait quelques points de repère. Il s'attendait donc à ce que lui et la petite troupe qui l'accompagnait rentrassent sans problème ; ils rentrèrent mais l'atmosphère semblait moins légère qu'à l'accoutumer. Le gardien devant la passerelle fit ouvrir les sacs, observa méfiant. L'hôtesse vérifia deux fois les invitations et eut un regard appuyé vers les écriteaux qui expliquaient les quelques règles en vigueur dans la soirée : "Toute descente du bateau est définitive" (les naufragés sont prévenus) et "La police est susceptible de fouiller les passagers [...]". A ce moment Ahmed se raidit, Madeleine à son bras tenta, d'une légère caresse dans le cou et d'un délicat baiser sur la joue de calmer les humeurs sanguines de son partenaire. Tout en lui glissant des mots doux à l'oreille, elle posa lascivement sa main sur le poignet d'Ahmed qui disparaissait déjà sous sa veste. Passant derrière lui en lui caressant les reins, elle l'entraîna vers la soirée. Ahmed, séduit par ces promesses de volupté, réprima sa colère ; en posant fermement la main sur le comptoir, faisant claquer au passage une bague et un bracelet en argent massif, il attira cependant l'attention du physio et d'un regard appuyé à l'affichette il posa ses conditions : au moindre soupçon de présence policière, il quitterait immédiatement la soirée par tous les moyens possibles et laisserait aller son ire contre les propriétaires du bateau.

Quelques pas dans la salle qui accueillerait le gros des festivités plus tard, l'incident était oublié et c'est au bar que nous retrouvons la petite équipée. Madeleine déjà ondule et réchauffe l'atmosphère mais les compères s'attardent quand même pour prendre un verre, question d'apparence : même s'il est plus que courant d'arriver dans ce type de soirée avec un taux d'alcoolémie que la médecine moderne déconseille, il faut montrer à l'assistance, aux serveurs et à leurs employeurs que vous êtes encore tout à fait capable de boire un verre et a fortiori de le commander. Verre en main, déjà à moitié fini toujours pour les mêmes raisons, les amis se rapprochent de la scène, où se produit un couple de musicien visiblement peu préparé, visuellement un peu branché et virtuellement talentueux. Malgré la pauvreté du set, tant au niveau musical que scénique, Madeleine se prend au jeu, danse et fait danser.

Les deux musiciens ne font pas long feu et les convives profitent du changement d'artiste pour visiter un peu le reste du navire. Sur le pont, les autres invités discutent, boivent et fument. Ahmed et ses amis se mêlent à la foule, Madeleine la première aborde les inconnus et fait les présentation avant de poursuivre vers un autre groupe. Ahmed fait la connaissance d'un trio de jeunes filles bataves, d'un photographe amateur et attitré et de divers convives. Les trois étrangères apprécient l'occasion et le photographe ne la rate pas de prendre Ahmed comme modèle, d'abord à la sauvette, puis avec son assentiment et enfin sur commande lorsqu'Ahmed a vérifié son identité auprès d'un garde.

Madeleine a de nouveau envie de danser et Ahmed et ses amis la suivent. En bas, le musicien a changé, sa musique est plus travaillée mais moins accessible, il fait lever les bras et bouger les corps puis surprend les esprits avec une séquence arythmique proche de la cacophonie électronique. L'écoute n'en est pas aisée et les arrêts au bar sont fréquents et nécessaires. Madeleine, elle, s'échauffe de plus en plus, fait tourner les têtes, embrasse et caresse, elle communique son envie et transpire la joie, l'allégresse et l'amour.

Arrive enfin le clou de la soirée, celui pour qui Ahmed et ses compagnons se sont déplacés, un magicien de la musique électronique qui, armé d'une simple table de mixage et d'un ordinateur portable, transporte les auditeurs sur des territoires inexplorés et fantasmagoriques ; sans une pause, il élève l'âme et l'esprit, les faits voyager quelques temps et les ramène calmement sur terre une fois la ballade terminée. Sans heurts ni fracas, inexorablement, il hypnotise, sublime puis repart, humble. Madeleine bien entendu est aux anges, elle entre en transe et nous entraîne tous avec elle.

Le set, toujours trop court, se termine et la petite troupe retourne sur le pont se remettre de ses émotions et se désaltérer. Les discussions se font plus vives et plus passionnées, les nerfs sont encore excités de ce qu'ils viennent de vivre ; Madeleine grince des dents, elle souhaite retourner danser. Un petite aller-retour vers l'antre musicale permet à Ahmed de se rendre compte de la pauvreté artistique de celui qui finit, incapable de relever le défi d'un tel enchaînement. Ahmed remonte donc tenter de calmer Madeleine et discuter avec les convives qui refusent encore de s'avouer vaincus. Les discussions se font moins intéressante mais le dj qui les a tant fait rêver apparaît, toujours aussi humblement, accompagné de sa maîtresse et de quelques uns de ses amis, Ahmed tient à féliciter en personne le musicien et ils discutent ensemble quelques instants, partageant leur point de vue d'une soirée qu'ils partagèrent sans le savoir, savourant leurs goûts musicaux communs.

Madeleine repartit un peu frustrée de ne pas avoir pu danser plus longtemps et le fit bien comprendre à Ahmed et un de ses amis avec qui elle rentra mais dans l'ensemble elle fut satisfaite. Ahmed aussi, il y avait bien trop longtemps qu'il n'avait pas fait honneur à la mer en la parcourant en bateau et ce court voyage lui en redonna le désir, il prit, en rentrant, la résolution de récupérer, par les armes si il le fallait, le brick que la douane britannique avait arraisonné l'an passé à Gibraltar et de faire au plus tôt le tour des îles de la méditerranée, si propice à la débauche.

Quand le soleil fit poindre ses premiers rayons le matin, Ahmed se glissait doucement sous les draps. Six heures plus tard, Madeleine sonnait frénétiquement à la porte et vint rappeler à Ahmed qu'elle n'est pas de ses amies dont on ne s'occupe pas le lendemain ...

Ahmed est content d'avoir repris contact avec sa vieille amie, malgré ses agaçants petits défauts, mais surtout il s'est rendu compte qu'au plus vite, il doit reprendre le large avant que le corail ne l'ancre définitivement à quai. Pierre qui roule n'amasse pas mousse, dit le proverbe mais cette pierre n'a visiblement jamais entendu parler des travelers check et Ahmed sait bien que la mousse ne s'amasse que sur ce qui est abandonné ou immobilisé. Or vous le savez, jamais il ne sera possible d'arrêter Ahmed Kelly.

Pierre qui roule n'amasse pas mousse, pierre qui roule déplace sa pouce.

mardi 11 août 2009

Icarus was a genius




Aujourd'hui Ahmed Kelly a la pêche.

Et ouais, ça lui arrive parfois n'en déplaise à certain.

Ahmed Kelly a la pêche car il a cédé à la pression sociale, à la fatigue et aux regards aguicheurs de la femme qui éblouit et il a fait son pèlerinage annuel à la grande bleue. Vous le savez Ahmed Kelly n'est pas du genre à se faire dicter son comportement par la mode et la masse - est mouton qui veut mais malheur à celui qui tentera de tondre Ahmed - pourtant il a suivi pour un long week end l'aoûtien pâlot, fait la nique au juillettiste bronzé-grisâtre et maudit le saisonnier, le rentier et l'autochtone cuivré.

Mais point d'aigreur, ni de sarcasme aujourd'hui car Ahmed a eu la joie de regoutter à un des meilleurs excitants que la création ait procuré à l'homme atteint. Atteint de quoi vous demanderez vous ? Et bien, pas de la rage pour commencer ; non atteint d'une maladie beaucoup plus pernicieuse : l'inadaptation.
La plupart de nos semblables s'adaptent assez facilement à l'existence calme et triste qui est la leur au point de la défendre bec et ongle contre les sybarites qui font l'apologie de leur mode de vie. Ils s'y adaptent même si bien qu'ils l'ont intégré dans les doctrines, les croyances, les devises et les maximes qu'ils inculquent à leurs progénitures et que les oligarques utilisent contre eux pour brimer leurs libertés et pire encore leur volonté d'être libre. Ahmed n'est pas de ce type, il entend l'appel du roi-lézard, il n'a pas oublié sa part de Rimbaud et surtout il fait de la contrebande, métier qui possède l'un des meilleurs rapports horaires-de-travail/bénéfices de la création. Ahmed, comme beaucoup de ses plus proches amis et comme tous ceux qu'il croise et reconnaît au cour de ses pérégrinations, n'est pas sensible à cette propagande. Jeune, il contredisait ses précepteurs et riait de leur embarras à travers les voilures de Marie-Jeanne ; plus vieux au bras de Caroline après près de 50 heures de vieille, il narguait l'automate qui cherche entre ses jambes la raison pour laquelle il est sorti de son lit ; aujourd'hui, il voyage 12 heures sans bouger et défie les frontières de l'espace et du temps dans le giron de Lucy. De tout temps, il a siroté son verre l'air goguenard devant celui qui boit pour oublier et s'est délecté de ses goûts singuliers en matière d'art quand il entend la n-ième conversation, répétée par les mêmes personnages interchangeables à propos des mêmes gens qui peuplent les romans et autres films prédigérés vers qui la masse se précipite comme l'essaim vers la lumière. Ahmed n'est pas le seul dans ce cas et d'aucuns diront qu'il fait parti d'un autre essaim mais ceux là tirent sur l'ambulance et tant qu'ils ne se seront pas retirés dans la forêt en autosuffisance leur attitude sera toujours ridiculisée par la poutre qui leur déforme la cavité oculaire. Ahmed, même s'il contemple avec morgue et suffisance la plèbe, sait bien que la société, ses courants, ses remous, ses écueils et ses récifs lui sont indispensables pour continuer à barrer la vie qu'il mène. Au royaume des aveugles le borgne est roi mais Gatsby n'aurait pas été magnifique à la cour de Crésus.

Bref, Ahmed, et la plupart des gens de son genre, gènent toutes les générations qui jouent le jeu, ils sont inadaptés pour la partie qu'on leur offre. Pour eux, ensuite, peu de solutions : briller, plier ou fuir. Ahmed a choisit de briller, et il espère que de passer trop près du soleil il ne fondra pas trop vite. D'autres choisissent de plier, de se forcer et de rentrer dans le rang ; généralement ils souffrent toute leur vie, en silence le plus souvent, en souffrance parfois et malheureusement en violence pour ceux dont le feu ne peut être contenu indéfiniment. Enfin les derniers décident de descendre et de vivre en marge, de marcher sur la berge. Ahmed profite de tous ces gens, car Ahmed n'est pas un saint, car Ahmed sait que ces gens ne s'en sortent pas seuls, car ses amies sont bonnes et libératrices pour ses semblables. Et donc, elles sont partout, elles les soutiennent tous, les meilleurs amies d'Ahmed, celles avec qui il s'est brouillées, celles qu'il n'a jamais voulu aborder, celles qui l'accompagnent toute la journée et celles qu'il ne retrouve que trop rarement. Mais de trop passer de temps enfermé, dans les grottes de Babylone ou celles de Sybaris, il avait oublié la meilleure de toute, celle qui ne fait pas de distinction et réchauffe les cœurs de tous sans distinctions : la soleil.

Ahmed s'en veut presque de l'avoir ainsi négligée, il aimerait se racheter et sacrifier en son honneur. Mais il sait que cela n'est pas nécessaire car elle n'a jamais douté, elle a toujours été là pour tous et toujours elles nous a montré le chemin, elle nous a donné l'exemple. De tout temps elle a brillé pour nous attirer, pour que nous la contemplions et celle qui éblouit presque autant l'a bien compris : "Lève la tête, disait elle encore à Ahmed alors que celui-ci était tenté de se laisser aller au désespoir, le bonheur ne se trouve pas par terre."

Finalement, les insectes ont tout compris : ce qui éblouit est beau et, au risque de se brûler, ce qui éblouit est attirant, ce qui éblouit emplit notre cœur de chaleur et de bonheur et nous tous, nous avons toujours, au fond de nous, rêvé de vivre en son sein.

jeudi 30 juillet 2009

Vade Retro Satanas

Aujourd'hui Ahmed Kelly va être un peu geek parce que c'est un homme de son temps et que celui ci est à la technologie.

Entre parenthèse, d'ailleurs, on utilise un peu à outrance l'appellation geek de nos jours, je trouve. Il y a peu j'ai eu le plaisir de lire que ce cher François F. se disait geek ; avide de savoir quand se déroule les soirées LAN à Matignon, je me ruai sur l'article pour découvrir que François F. se dit geek parce qu'il connaît le dernier né des reflex numériques de chez Sony, qu'il a le wifi et au moins deux ordinateurs portables à la maison, dont un serait, selon certains commentateurs irrévérencieux, un macintosh. Mais ce cher monsieur a t il même déjà ouvert un manga ? A t il déjà posé ses mains sur une manette (nous ne dirons rien sur les mallettes nous ne sommes pas ici pour lancer des rumeurs infondées) ? Peut il citer de mémoire le nom d'un seul x-men ? A t il un quelconque pseudo et un quelconque avatar sur un quelconque site internet ? Je ne m'avancerai pas à répondre à ces questions parce qu'Ahmed ne connaît pas François F. en dehors du milieu professionnel mais le simple fait qu'il fasse partie des gens qui place un 'l' apostrophe devant internet me laisse penser qu'il ne doit pas être en mesure de répondre par l'affirmative à beaucoup de mes interrogations. Je poursuis la parenthèse pour calmer tout de suite l'indignation que je sens poindre chez ceux qui lisent entre les lignes : je ne réduis absolument pas les geeks, les vrais, aux grands enfants qui passent leurs soirées à jouer aux jeux vidéos dans une chambre recouverte de posters représentant des jeunes filles nubiles issues de l'imagination d'un obscur dessinateur japonais avec leurs amis virtuels jouant aux mêmes jeux dans une autre chambre recouverte du même genre de posters. Restons fidèle à la définition, le geek est quelqu'un qui se passionne plus que de raison pour un sujet que la majorité considère comme futile voir infantile, et, par extension, on met dans le lot les adolescents et adultes attardés qui tournent les pages de leurs bande dessinées à l'aide de leurs pouces à la musculature surdéveloppée. Ahmed a par exemple, parmi ses connaissances, une jeune fille aux multiples talents et à l'extraordinaire efficacité lorsqu'il s'agit d'abattre un concurrent gênant dans les embouteillages, qui est une geek totale et assumée pour tout ce qui a trait à la moto. Il est vrai que, de par son mode opératoire, elle a plutôt intérêt à se tenir aux courants des dernières nouveautés dans le monde magique du deux-roues mais vous avouerez que discuter sur un forum de couleurs de jantes avec Ghostrider78 dépasse largement le cadre de la veille technologique pour pratiquer l'assassinat motorisé. Ahmed considère donc cette jeune fille brillante comme une geek et cela n'entame en rien l'affection qu'il lui porte.
Bref, refermons cette parenthèse sur nos amis les geeks et parlons informatique.

Depuis qu'il travaille dans un bureau dans un immeuble haussmannien, Ahmed est obligé d'utiliser l'ordinateur fournit par l'entreprise et entretenu par ce cher Face de C. qui vous a été présenté en termes élogieux il y a peu. Maintenant que vous le connaissez vous vous doutez que cette sombre merde (excusez mon langage) constitue un responsable informatique à peu près aussi efficace qu'un junkie gardien de but. Ahmed doit donc se coltiner à longueurs de journées un ordinateur poussif qui tourne malheureusement sous windaube xp avec tous les logiciels propriétaires qui étaient imposés par les fabricants avant que la court européenne ne s'en mêle, et notamment Internet Explorer huitième du nom. Passons sur le fait que ce cher Face de C. ne veut pas installer un autre navigateur parce que "ça serait trop compliqué et puis vous vous rendez compte du temps que cela me prendrait ?!" ou sur le fait qu'il préfère voir ses machines freezer toutes les demi-heures lorsque la température extérieure dépasse les 25°C plutôt que d'apporter un peu de compagnie au seul ventilateur par machine qui tourne en sous régime ("il y a des gens qui se sont plaints que les ordinateurs faisaient trop de bruit quand les ventilos tournent trop alors je laisse comme ça", dans des bureaux où les photocopieuses tournent en continue et au milieu du couloir pour que tout le monde en profite mieux et où même fenêtres fermées, on a droit à un concerto en klaxon mineur toutes les demi-heures, il y a de quoi trouver l'argument fallacieux...), pour se concentrer sur le coeur du problème : Microsoft.

Alors que les vilains, en ces temps de crise économique, semblent passer des communistes et des intégristes religieux aux grands patrons et aux grands industriels, la firme de ce vieux Bill G. continue tranquillement à abuser de sa puissance et de sa position. Economiquement et stratégiquement parlant on ne peut pas renier le passé de la boite qui a réussi jusque dans les années 90 ce dont tout bon entrepreneur rêve toutes les nuits : obtenir un quasi monopole sans avoir à commanditer d'assassinats. Or force est de constater que, depuis, le prestige et la réussite de l'entreprise sont en chute libre. Et ce pourquoi ? Et bien simplement parce que, si Bill G. pouvait être considéré comme un génie de l'informatique et un précurseur lorsqu'il fumait des joints avec Steve J., il n'a absolument pas su s'entourer de gens aussi brillant que lui. En effet, depuis que Billou s'achète un golf lorsqu'il a envie de faire une petite partie, les gens qui dirigent la société qu'il a fondé semblent vivre dans un doux rêve où le monde extérieur n'existe plus. Lorsque tous les professionnels de la profession et tout ce que le monde porte de geek conspuent leur dernier navigateur internet et argumentent à coup de tests correspondant à des standards du web universellement reconnus et utilisés, ils affirment sans ciller que leur programme est le plus rapide et le plus sûr, tout en sortant une mise à jour d'urgence pour corriger une faille de sécurité (le simple fait qu'ils aient instauré un UpdateTuesday me semble incroyable). Alors qu'ils perdent de plus en plus de part de marché dans ce domaine, la dernière mouture de leur logiciel n'est encore pas capable d'afficher correctement la plupart des sites internets, rognant un bout de paragraphe par là, n'affichant pas une image sur deux par ici, n'adaptant qu'une police sur deux à la résolution de l'écran un peu partout, sans parler du fait qu'il est lent, capricieux et à peu près aussi sûr qu'une passoire en guise de casque. Mais leurs concepteurs continuent à en faire la promotion comme s'ils venaient de révolutionner le marché du couteau de table ; pour Ahmed c'est aussi incongru que si un type de la poste venait lui annoncer que son courrier arriverait vachement plus vite maintenant que les chevaux ont été remplacé par des solex.
Malheureusement par ignorance une grande majorité de consommateurs continuent à utiliser cette bouse informatique et à ne pas se demander si ils pourraient faire quelque chose pour ne pas avoir à deviner la fin des phrases de leur blogueur préféré. Mais ce qui est le plus grave là dedans c'est que personne chez Microsoft ne semble se rendre compte de ce qui se passe pendant que des centaines de traders se pendent à chaque annonce des bénéfices en baisse de la boite. Pourtant quand on a les moyens que possèdent les successeurs de Bill G. il ne doit quand même pas être compliqué de débaucher des programmeurs dignes de ce nom capables de rendre l'informatique agréable à cette masse incroyable d'internautes spoliés. Surtout qu'économiquement parlant, puisque c'est à priori tout ce qui motive ces gens là, le pognon, quel peut bien être l'intérêt de continuer à vendre à ses clients des programmes pourris ? C'est un peu comme si Ahmed s'entêtait à inviter Sherazade, la cousine vérolée et gangrenée de Marie-Jeanne, à toutes ses soirées en la couvrant de fond de teint et en refusant de voir cette dernière qui fait des grands signes derrières le videur.

Ahmed s'imagine lorsqu'il contemple la ville depuis son penthouse que les dirigeants de cette boite sont foncièrement mauvais et qu'une part caché de leurs programmes leur transmet les images et les réactions de chaque utilisateur de part le monde qui s'arrache les cheveux ou qui contemple bovinement un rapport d'erreur. Ahmed pense même qu'ils organisent des orgies où ils violent des mères de famille dans des mares de pétrole brut en écoutant à fond les cris d'angoisse de leurs consommateurs désespérés pendant que des écrans géants diffusent les images d'enfants en pleurs.

Bref, tout ça pour dire qu'Ahmed pense que si ses messieurs les juges du TPI s'emmerdent ils pourraient se pencher sur le cas de ces industriels qui à l'instar des dirigeants de Microsoft s'engraissent en profitant des failles du système, de situations de monopole ou simplement de leur pouvoir financier en bafouant allégrement et en vrac les droits de l'homme, le droit international et toutes les recommandations que de plus en plus de scientifique font pour éviter de transformer notre planète en poubelle aride et désolée. Ces messieurs qui vivent dans leurs tours d'argent en fermant les yeux sur tout le mal qu'ils font sont les champions du crime contre l'humanité et Ahmed veut bien investir dix fois ce qu'il paie à interpol pour ne pas se faire embêter pour que ces bâtards puants paient un peu pour leurs crimes.

Ahmed prédit même qu'à la prochaine révolution ce ne sont pas les têtes des politiciens qui feront le tour des villes au bout d'une pique mais celle de ces mécréants. Et il y a fort à parier que les membres d'Action Directe étaient bien plus visionnaires qu'ils ne l'imaginaient.

mardi 28 juillet 2009

Kitchen counter-party

Ce week end, Ahmed a passé une soirée des plus sympathiques.

Pourtant de prime abord elle ne semblait pas gagnée. La veille en effet il avait pu se régaler d'un rôti préparé amoureusement et légèrement apéritivement par l'hôtesse d'un dîner commémoration et dépense d'une saison, et de sa recette, de théâtre dûment remplie. Le rôti était savoureux et le vin agréable au palais, malheureusement l'inertie des grands groupes, qui est quadruplée quand les convives sont de bonnes compagnies et ont l'habitude de se voir dans les tenues les plus improbables, joua avec notre appétit jusqu'aux dernières lueurs du soleil et nous emmena jusqu'à tard dans la nuit. Le lendemain, pour Ahmed comme pour la plupart de ses amis ayant un travail à horaires plus ou moins fixes, fut donc de ceux que l'on appelle difficile.

Les horaires d'Ahmed en ont donc pâti car il est partisan de les réduire pour les rendre plus efficaces plutôt que de les respecter pour en baver syndicalement ; mais vous qui connaissez Ahmed vous savez qu'une des branches dans lesquelles il travaille possède un emploi du temps assez souple et surtout nocturne et que pour l'autre il possède la conscience professionnelle d'un bourrin, au sens animalier du terme. En milieu d'après-midi, Ahmed ayant clos le dossier qu'il traînait comme un boulet depuis plus d'une semaine, la cloche de la liberté sonna trois fois et Ahmed s'en alla gaiement dans les rues de la capitale. Par acquis de conscience et dans l'espoir, un peu vain il le sait maintenant, de trouver une perle rare, Ahmed tenta d'aller faire les soldes au milieu des touristes qui pullulent en cette saison dans le quartier des grands boulevards comme les pustules sur les fronts des récents bacheliers. Vous vous en doutez, la tentative fut vaine. Même celle de partager une sèche avec son ami C., tueur à gage sévissant dans la région, fut un échec retentissant. Bref, au moment de prendre l'apéro, les jambes d'Ahmed sont sciées, son moral au plus bas et son envie de meurtre inversement proportionnelle.

Heureusement, l'apéro-jean est un concept qui devrait faire école, en tout cas c'est une façon de faire ses courses qu'Ahmed apprécie tout particulièrement. Expliquons un peu ce qu'il en est pour le lecteur sous-informé : derrière une marque branchée, écolo, équitable ou éthique se trouvent toujours des gens qui rarement dans leur vie se sont servis d'une machine à coudre mais qui sont versés dans l'art obscur de l'économie de marché ; or ces gens ont des amis et aimeraient bien parfois allier l'utile à l'agréable tout en se rapprochant un peu du métier du petit personnel ; ils organisent alors des ventes privées durant lesquelles amis et amis d'amis partagent une boisson alcoolisée avant d'acheter ce qu'on veut bien leur vendre à des prix préférentiels bien entendu. Dans le cas qui nous occupe l'entrepreneur vend des jeans et lui, Ahmed et quelques amis à l'un ou à l'autre burent des mojitos, frais et bien dosés. Il n'en faut pas plus pour relancer un Ahmed vanné et lancer tout simplement une soirée prometteuse.

Alors que le soleil a depuis longtemps abandonné l'espoir de les accompagner dans ce qui sera, et ce qui était prévu pour être, l'évènement principal de la soirée, Ahmed et deux partenaires théâtrales lèvent le camp, quittent la source de mojito et s'élancent sur les grands boulevards, toujours eux, en direction de l'appartement qui les avait déjà accueilli la veille pour ce fameux rôti. Après deux arrêts pit-stop, les batteries sont convenablement nourrie (grâce à un vertical mélange de pain, de patate et de poulet à la friture) et les munitions abondantes. Les trois compères arrivent donc triomphalement, quoique pas forcément habillé pour l'occasion, à destination. Il faut savoir à ce moment du récit que la soirée possédait un thème qui nécessitait une certaine maîtrise de l'art délicat du déguisement, maîtrise qu'Ahmed n'a pas surtout quand il découvre le thème la veille au soir. Ahmed et ses amis, un poil plus imaginatif que celui-ci, débarquent donc dans une soirée où poséidon trinque avec le marin Jean-Paul G. et où Bob l'éponge taille le bout de gras avec un pirate qui n'a pas vu les caraïbes depuis longtemps (celui qui découvre le thème de la soirée à partir de ces maigres indices gagne mon admiration éternelle. Et une cuite.). Mais Ahmed n'est pas du genre à abandonner par manque de déguisement, il enlève donc le jean qu'il a autour du cou, fait rapidement tomber la veste et part à la recherche de la nouvelle source de boissons alcoolisées.

Et c'est ainsi qu'il se retrouve, comme souvent, dans la cuisine. Vous me direz que même si la plupart du temps les cuisines n'ont qu'une seule entrée, elles ne sont pas forcément des endroits sans issues dont il est impossible de s'échapper. Mais il se trouve qu'Ahmed, dans ce genre de soirée, apprécie fortement la cuisine. D'abord parce que c'est souvent l'endroit où sont entreposés l'alcool, surtout celui qui est destiné à être bu frais, et la bouffe. Ensuite parce que tous les convives de la soirée, à part ceux qui se débrouillent pour ne jamais aller chercher leurs verres eux-mêmes, doivent à un moment ou à un autre y passer, ou courir le risque de se déshydrater ; Ahmed en restant dans la cuisine est donc à peu près sûr de croiser, au moins quelques instants, presque toutes les personnes présentes, mais en plus il est susceptible de les croiser à un moment où elles seront plus enclines à partager et à rencontrer car en recherche de quelque chose, en pleine lumière et en retrait par rapport à la source de musique (non qu'Ahmed soit contre la présence de musique en soirée, vous connaissez sa mélomanie, même à un niveau sonore défendu par l'OMS mais il trouve assez désagréable le fait de devoir se pencher à l'oreille de son interlocuteur pour lui demander le beurre, surtout en ses périodes de pandémie latente.). Bref, Ahmed passe souvent beaucoup de temps dans ce qu'il appelle la "contre-soirée cuisine", non pas par envie de créer effectivement une contre-soirée autour de sa présence (ce qui pourrait entraîner des échecs assourdissants pour tout ego normalement proportionné) mais par commodité. Et encore une fois, grand bien lui en a pris car il a pu, pendant les 4 heures minimum qu'il a passé à recenser et à goutter les différentes boissons apportées par les invités et à les offrir gaiement aux assoiffés tel un satrape newyorkais en pleine prohibition, faire la connaissance de gens sa foi fort sympathiques, intéressants, drôles, cultivés ou passionnés et plus souvent qu'à l'ordinaire tout cela réunit. A l'heure où le soleil ne pensait pas retrouver ses enfants encore vaillants, Ahmed sortit de sa retraite pour profiter de la présence des plus résistants, les meilleurs, en écoutant les derniers morceaux, plus rock'n'roll, de la soirée qui n'auraient sûrement pas fait l'unanimité quelques heures auparavant. Deux heures après que Paris se fut éveillé, les mêmes meilleurs descendirent au café partager un petit déjeuner sommaire et fraternel pour clore doucement cette parenthèse hors du temps d'amitié spontanée qui, je l'espère, se rouvrira de plus en plus souvent dans l'avenir.

Bref, Ahmed est rentré heureux et vanné avec beaucoup plus de souvenirs dans la tête que l'heure ne l'aurait laissé présager (même si dans la soirée, sa mémoire des patronymes lui a joué des tours pendables).

Tout ça pour dire quoi ? Que les cuisines sont des endroits de rencontre formidables ? Oui, mais encore ? Que tout n'est pas perdu et qu'il est encore possible de passer de bonnes soirées ? Heureusement nous n'en avons jamais trop douté, et donc ? Qu'une soirée suffit à remonter le moral d'Ahmed piétiné depuis des mois par le grand capital et le travail de bureau ? Cela nous soulage mais ne nous suffit pas, alors ? Qu'Ahmed n'a rien perdu de sa légendaire capacité à ce lier à des inconnus ? Peut être était ce le but effectivement, il ne lui reste plus qu'à cultiver et arroser ce terreau pour y voir germer la pousse d'une véritable amitié. Ou peut être tout simplement, Ahmed avait il envie de partager une expérience agréable, histoire de la revivre en souvenir, de tenter d'en transmettre les souvenirs émus à travers ses mots, à vous de voir.

Vous remarquerez pour finir que pour une fois Ahmed est positif, ne se plaint pas et n'est pas en colère, vous remarquerez aussi qu'il s'étale pas mal et de tout cela vous tirerez naturellement la morale suivante : "la vengeance de la luciole brille comme l'éclair mais le papillon plane en chantant."