mercredi 21 juillet 2010

Rasoir d'Ockham.

Des soupçons pèsent sur un homme qu'Ahmed ne connaît pas. Tout semble l'accabler et dans sa position nombreux avant lui ont préféré sauver ce qui leur restait de réputation en se mettant au vert, mais lui n'en démord pas, il restera jusqu'au bout tel un roc face à la déferlante. Il faut dire qu'il n'a jamais fait beaucoup de vagues cet homme là. Avec son sourire mi-sincère, mi-timide et sa calvitie de moine trappiste, il aurait pu passer un quinquennat tranquille à peine dérangé par un petit changement de portefeuille à mi-parcours, histoire de ne pas s'encroûter. Malheureusement la perfidie du journaliste moyen et la sournoiserie acquise par l'employé de maison depuis la parution du Capital l'auront rattrapé avant la quille.
Haro sur le premier de la classe donc, la presse s'en donne à coeur joie, l'opposition parle de démission, de dissolution et de motion de censure et Ahmed est perplexe. Car si les témoignages, plus ou moins à charge selon qui les commentent, s'accumulent, si le canard de mauvaise augure n'a de cesse de scruter tout ce qui lui est passé entre les mains dans l'espoir d'ajouter une nouvelle casserole à la batterie ; le gouvernement, ses sbires, ses employés et son journal continuent à nier l'évidence, à s'offusquer et à développer des merveilles de mauvaise foi pour défendre leur poulain et sa pouliche, quitte à faire se retourner dans sa tombe ce vieux baron de Montesquieu. Et personne n'a l'air de pouvoir se faire une idée.
Ahmed, lui, quand il se rase le matin ne s'imagine pas paré d'un costume trop grand pour sa carrure, il se contente généralement de rassembler ses esprits et fouille dans la brume à la recherche de ses idées (vous le savez Ahmed n'est pas du matin). Or, tous les grands philosophes vous le confirmeront, c'est lorsque la conscience se bat contre la fatigue que l'esprit est le plus à même de briller car alors il ne s'aventure pas vers la complexité et se contente du bon sens et de l'essentiel. Le matin en se rasant donc, Ahmed utilise deux rasoirs : un pour dompter ses poils de barbe rebelles et l'autre pour sabrer dans la foule des hypothèses délirantes.
Or, dans le cas qui nous occupe, est il plus probable qu'une opposition au bord de l'agonie depuis bientôt 10 ans et qu'une presse aussi indépendante qu'une région française productrice d'huîtres et d'alcooliques se soient alliées pour corrompre et pousser au parjure trois employés fidèles, et friqués, d'une vieille dame sénile ou qu'un ministre soit purement et simplement corrompu comme nombre de ses prédécesseurs ? Est il plus vraisemblable qu'un journal, qui n'a jamais perdu un procès en diffamation, ait falsifié des preuves, ait monté en épingle des rencontres fortuites et ait honteusement exagéré la portée et les enjeux de transactions honnêtes ou qu'un ministre et sa femme, administratrice de bien de profession, aient profité de leurs positions et des lois qu'ils ont promulguées avec leurs amis en début de mandat pour s'en foutre plein les fouilles ?

Ahmed ne se rase pas de près mais il fait des coupes franches dans les théories trop complexes et pour lui la situation est claire : le ministre ne peut être que coupable et si on le défend avec tant d'empressement et d'abnégation ce n'est pas pour sauver un ami de trente ans mais pour éviter de se voir entraîner dans sa chute. Ahmed n'est pas dupe sur ce genre de chose, il connaît depuis longtemps les avantages de la cordée.

L'accusé n'a peut être pas la tête de l'emploi mais chez les gouvernants comme chez les curés, on garde les sales gueules pour les menaces et on envoie les enfants de choeur faire la quête. Reste plus qu'à espérer que l'analogie s'arrête là et que le petit Eric ne s'est pas fait abusé par ses commanditaires.

vendredi 12 mars 2010

Un nain peut en cacher un autre.

Il faut savoir parfois tirer la sonnette d'alarme, même quand il est trop tard. Lorsque le bélier a fini de défoncer la porte de votre retraite et que vous sentez déjà la fumée du cigare d'Ahmed, il est encore temps, vous aurez peut être la chance d'épargner votre famille. Lorsque vous sentez l'odeur de la graisse qui recouvre les armes, alors il est trop tard et il ne vous reste plus qu'à espérer que les hurlements de l'alarme vous permettront de mourir dignement. Ahmed Kelly n'est pas cruel et il sait reconnaître le dernier geste honorable de ses ennemis, il vous accordera donc cette dernière requête. Aujourd'hui, du haut de sa tour, Ahmed aimerait entendre retentir les alarmes mais il ne voit que le monde continuer de tourner et le bétail aller vers l'abattoir sans frémir.

Ahmed Kelly sait s'accorder des moments d'oisiveté, il les impose même à son entourage et les poissons ne comptent plus ceux qui ont tenté de l'interrompre. En ce moment, Ahmed Kelly profite de ces parenthèses pour rattraper le retard cinématographique qu'il a accumulé, lorsqu'il était éblouie notamment. Il s'extasie donc devant les performances d'acteur de Daniel D.-L. ou de Robert d.N. et ne comprend toujours pas comment les nains peuvent réussir aussi bien. Le nain en question incarnait il y a peu, un résistant à la tyrannie qui aurait sûrement préféré une autre incarnation de sa mémoire mais qui aura eu au moins le mérite de faire sortir Ahmed de son silence. Il y a eu sous tous les régimes, même les plus totalitaires, des résistants qui sont mort pour leurs idéaux et la liberté des autres et peut être est il temps d'apprendre la leçon que nous pouvons facilement tirer des évènements qui les ont conduits à sacrifier leurs vies. Malheureusement, le résistant avant de devoir résister ne fait que vivre, le peuple n'apprend pas et les seuls qui semblent tirer des enseignements du passé sont les conseillers de l'autre nain qui a honteusement réussi. Ceux-ci sont simples : première étape, trouver un ennemi commun, un bon bouc émissaire que tout le monde acceptera de haïr sans le moindre cas de conscience ; deuxième étape, endoctriner ceux qui voteront plus tard pour vous maintenir au pouvoir et qui vous suivront dans la guerre contre le bouc émissaire susnommé ; troisième étape, modifier la constitution pour vous assurer que vous ne perdrez jamais ce pouvoir. Les étapes sont données dans un ordre purement subjectif qui ne reflète absolument pas leur ordre chronologique.

Le bouc émissaire a été rapidement trouvé par le traître en chef et son fameux débat, Ahmed en a déjà parlé. La constitution a déjà été modifié lors d'un congrès bien plus historique que sa couverture médiatique ne peut le laisser supposer mais cela n'est qu'un détail pour ceux qui se sont inspirés des méthodes d'Ahmed pour s'assurer de la loyauté sans faille de leurs partisans (ne vous voilez pas la face, il s'agit de l'appât du gain, de la soif du pouvoir et de l'intimidation). Il ne restait plus qu'à modifier l'éducation des petites têtes blondes afin de les conditionner à haïr leur petits camarades bruns et pour cela le nain a un fonctionnaire consciencieux en la personne de Luc C. Comme tous les petits camarades du nain, ce chère Luc ne ménage pas ses efforts pour flatter le monarque et espérer avoir la fève lors de la distribution des parts. On avait déjà forcé les élèves de primaires à écouter l'adieu poignant du petit Guy M. à ses parents (ils doivent s'en sentir flatter) mais grâce au petit Luc le calvaire de l'histoire ne durera dorénavant que jusqu'à la première pour les élèves des classes scientifiques car il est vrai que l'histoire du siècle dernier n'est porteur, finalement, que de peu d'enseignements capitaux pour les futurs nationalistes que le nain mènera au panthéon. Et puis les amis du nain, qui eux ont appris l'histoire, aimerait bien qu'elle se répète avec un meilleur dénouement, donc n'insistons pas trop sur la résistance aux totalitarismes et sur les luttes sociales pour se concentrer sur le sentiment patriotique. A ce titre, Louis le quatorzième, autre membre de la confrérie des nains célèbres, est bien plus précieux que Léon B. et son front de gauchistes populos.

Malheureusement, il est difficile d'occulter tout un siècle d'histoire. Qu'à cela ne tienne, le bon Luc n'a pas étudié l'économie pour se voir bourrer le mou par une bande de prof gaucho, et l'enseignement principal des cours d'économie moderne étant l'optimisation, Luc fait d'une pierre deux coups et vire l'étude des pensées d'un obscure philosophe sceptique pour la remplacer par celle des mémoires du Général (le grand, celui dont on sait pourquoi il a réussi). La défense de la langue n'étant audiblement pas une priorité pour le petit président de Luc, autant allier patriotisme et littérature de bas étages, les bœufs n'en seront que plus malléables.

Et pour finir, Luc ayant quand même un domaine pour l'enseignement duquel il peut apporter son expertise, rien ne l'empêchait de modifier aussi les programmes d'économie. Exit donc les leçons sur les syndicats et autre justice social, le petit Nicolas est déjà bien trop emmerdé par ces cons de syndicalistes qui retiennent prisonnier ses partenaires de golf, qui font flamber leurs usines vides et qui appellent tous les pécores de France et de Navarre à manifester dès qu'il fait plus de dix degrés dehors ; encore un peu et ils n'oublieraient plus qu'il n'est pas interdit de manifester dans le 8e arrondissement.

Bref, notre nain en chef sait bien s'entourer, mieux que le nain scientologue qui incarne si piteusement un résistant allemand et mieux que le dit résistant qui échoua dans sa tentative. Heureusement pour lui, Ahmed Kelly regarde tous ces nains de haut et ne doute pas une seule seconde de son entourage. Il ne reste plus qu'à espérer que l'absence de moral nécessaire pour suivre un si désagréable nain ne pousse le petit Luc et ses collègues à se tirer suffisamment dans les pattes en essayant de devenir nain à la place du nain pour que celui ci se retrouve seul et que ses ennemis puisse le terrasser.

Ahmed s'y connait en ambition, il peut donc vous affirmer que cette issue n'est heureusement pas si improbable qu'elle en a l'air car comme le dit le proverbe : quand le nain te tient par les couilles, serre les dents et saute.

lundi 1 février 2010

A force de crier au loup ...

Aujourd'hui c'est le premier Février. C'est donc le premier jour du mois le plus ridicule du calendrier grégorien mais c'est aussi l'anniversaire de Jean Roucas. Comme quoi il ne se passe pas que des choses inutiles en Février.

Bon sinon puisqu'il est là Ahmed va vous délivrer un petit peu le fond de sa pensée parce qu'il sent que ça vous manque et puis, comprenez le : la semaine dernière son ami Dominique de V. a été blanchi dans une sombre histoire de lettre de cachet, il a donc pu en voir de l'idée qui a touché le fond. Loin d'Ahmed l'idée de remettre en question les décisions de justice ; d'abord parce que c'est illégal (même si vous vous doutez que c'est bien là le cadet des soucis d'Ahmed ...) et ensuite parce que n'ayant pas accès au dossier et ne lui faisant que moyennement confiance (un dossier ça trompe énormément dans ce genre d'affaire), il aurait du mal à donner un avis constructif. Non ce qui est intéressant dans cette histoire c'est que ce cher Dominique était donné perdant à plus de 30 contre 1 chez tous les bons bookmakers (je vous laisse calculer combien Ahmed s'est fait sur ce coup en vous donnant comme indice de départ qu'il a parié l'équivalent du salaire annuel d'un ouvrier de chez Continental ...) et ce pour la simple et bonne raison qu'il avait pour adversaire un chef de bande assez peu scrupuleux sur le respect des règles.

Cela ne vous aura sûrement pas échapper, surtout si vous habitez à proximité du 8e arrondissement parisien : à l'annonce du résultat du procès, une énorme explosion de rage et de frustration a fait frémir l'échine de tous les gardiens de la paix du rond point des champs-élysées au triangle de Rocquencourt. Ahmed, qui s'y attendait un peu, en a même profiter pour se faire sauter un pv, c'est incroyable comme c'est crédule un policier qui craint pour son chef de meute ...

Mais, rebondissement dans l'affaire, et nouvelle occasion de ruiner un bookmaker, le lendemain de l'annonce du verdict, le procureur de la République Jean Claude M., vieille connaissance d'Ahmed et de certains de ses clients à la plume déliée, déclare qu'il fera appel dans le procès, retournez à la case départ, démerdez vous pour que personne ne voit que vous avez touché 20.000 francs. Ahmed, rassurez vous, ne fut pas franchement surpris par cette annonce ; en revanche Dominique eut la vague impression de se faire niquer, tout simplement, et ne se fit pas prier pour le dire à qui voulait bien l'inviter à une heure de grande écoute. Les adversaires de l'ennemi juré de Dominique, amis de circonstances selon le fameux principe de transitivité amicale, lui emboitèrent le pas et les ondes furent soudain envahies d'analyses critiques du système judiciaire et de comparaison plus ou moins subtile de celui-ci avec celui d'une république bananière.

Jusque là rien de bien surprenant finalement pour qui est un peu introduit dans le milieu politique français (Al-hamdu-lellah les bookmakers ne s'intéressent pas à la politique ...) par contre ce qui met complétement Ahmed sur le cul, c'est le déferlement de réponses et de justifications des proches du chef de gang sus-mentionné. Visiblement ces gens ont une bien piètre connaissance du fonctionnement de l'humain en société : d'abord parce que quand tout un clan, dont les membres affichent très clairement leur appartenance (limite plus que les membres d'une équipe de football de ligue 1), font presque mot pour mot la même déclaration sur toutes les chaînes de télévision et stations de radio du paf, ils perdent nécessairement en crédibilité et seul un homme ayant le QI d'un saint-bernard peut s'imaginer que leur déclaration reflète leur véritable pensée ; ensuite quand cette attitude se répète à la moindre polémique et s'amplifie d'autant que le mensonge est éhonté, même des enfants à la mémoire de carpes consanguines se rendraient compte de la supercherie ; mais surtout il faut vraiment être con comme un bigorneau pour croire que c'est en criant à qui veut l'entendre et avec tous ses amis que "non, non, non ce n'est pas moi qui ait embaumé de mes effluves rectales cette cage d'ascenseur" que l'on va s'innocenter, surtout quand on a le front qui sue et le caleçon qui pue.

Bref, personne n'est dupe, Dominique de V. a un adversaire tenace et légèrement puéril qui a le bras beaucoup plus long que sa courte taille ne peut le laisser imaginer et les amis de celui-ci sont d'une loyauté et d'une abnégation intellectuelle dignes des hommes de main d'Ahmed Kelly. Espérons pour eux, et pour le salut de leurs familles, qu'il n'obtient pas cette abnégation par les mêmes moyens ...

En attendant l'intelligence ne brille visiblement pas plus dans un certain immeuble de la rue de la Boétie que dans un certain monastère moyenâgeux où une autre bande de suiveurs décervelés a inventé un mois à la mords-moi-le-nœud.

jeudi 28 janvier 2010

Brève

Parfois Ahmed, saoul, pense, rage, enrage, s'énerve et expulse pour des raisons que d"autres trouveraient futiles. Il brûle, seul, les pouvoir que lui ont donnés les dieux et pourtant vole de ses propres ailes. Quand la masse essaie de lui imposer une attitude, il se rebiffe, pense par lui même, crée et rêve. Il a envi de crier, de se battre, d'exploser. Pourtant Ahmed est civilisé, il n'attaque pas le faible quand il est à terre ; il prend sur soi. Mais au moment fatidique, il explose, tue sans raison, vide son chargeur, se calme, recharge et impose.
Telle est la vie d'Ahmed.

jeudi 21 janvier 2010

La valeur n'attend point le nombre des écrits

Qu'il y a bien longtemps qu'Ahmed n'a pas écrit sur ces virtuelles pages... Que voulez vous la vie d'un homme comme Ahmed Kelly n'est pas aussi simple qu'elle en a l'air et, si Ahmed recherche inexorablement la liberté, celle d'avoir du temps pour écrire ne lui est pas forcément accordée par le cour tumultueux des évènements.

Ahmed Kelly pourtant, fidèle à lui même, vie et sur-vie comme jamais, au point que parfois il perd un peu le fil. En effet depuis quelques temps l'arythmie prend le pas sur le quotidien et Ahmed peine parfois à sortir la tête de l'eau. N'allez pas croire, cependant, qu'Ahmed puisse être dépassé par le tumulte écumeux du destin, Ahmed Kelly gère, c'est intrinsèque ; mais son emploi du temps chargé ne lui laisse que peu de temps pour complaire à votre juste attente de prose alambiquée.

Maintenant rassuré sur la santé de votre démiurge, votre curiosité ne pourra être satisfaite que par le récit de ses tribulations. Malheureusement pour vous celui ci est pris dans les affres d'une activité chômée et d'une sociabilité misanthrope.

Les esprits les plus affutés ne se laisseront pas avoir par une telle accumulation de grands mots et de figures de styles classiques et insisteront pour connaître le fin mot de l'histoire, mais de la même façon qu'Ahmed ne peut se brûler les ailes, Ahmed n'est pas tenu de tout vous révéler. Ahmed lévite et Ahmed s'imagine ; il ne peut être appréhendé dans son ensemble. Ceci dit, l'approche du mois honni ne peut que l'inciter à vous en dire plus. Vous apprendrez donc bientôt comment Ahmed a battu une fois de plus l'ange de la mort, comment il occupe ses journées et comment il considère les agitations telluriques que le destin provoque pour rappeler au monde que non, tout l'organisme planétaire n'est pas en bonne santé.

Ceci étant écrit, Ahmed ne s'envolera pas et ses écrits resteront les preuves que tout en ce monde n'est pas formaté, même si, pour répondre à la pression populaire et aux aléas du média qu'il utilise, ceux ci se feront plus court et s'il le faut plus concis. Ahmed n'écrit pas pour les idiots mais il peut comprendre que ses lecteurs n'ont pas tous le temps de se plonger dans l'interminable lecture des divagations éthérées d'un énergumène, quand bien même celui ci se nommerait Ahmed Kelly.

jeudi 24 décembre 2009

En Décembre 1999

Mon ami Kuhn a lancé l'idée de raconter son nouvel an de l'an 2000 et plus généralement ce que l'on était en Décembre 1999, comme personnellement je n'ai rien d'intéressant à dire sur le sujet on va plutôt parler d'Ahmed Kelly





En Décembre 1999, Ahmed Kelly avait dix ans de moins, comme beaucoup de monde et quelque soit le calendrier, mais je n'en dirais pas plus car il n'est sûr pour personne de connaître le véritable âge d'Ahmed Kelly. Vous allez vous dire que ce n'est pas là un cadeau fait à ses biographes, puis vous réfléchirez un peu et vous vous direz avec raison qu'il doit y avoir plus sûr comme boulot que biographe d'Ahmed Kelly. Pour vous dire toute la vérité, l'âge d'Ahmed n'a pas toujours été un secret, il existe même des gens, en dehors de ses proches parents, qui doivent encore se rappeler de sa date de naissance mais il advint dans la vie d'Ahmed un évènement tragique qui recouvra cette date du sceau du secret. Cet évènement eut lieu il y a quelques années de cela... laissez moi réfléchir un peu... c'était il y a... tout juste dix ans ! Quelle coïncidence ! Si vous ne me connaissiez pas vous pourriez croire que je l'ai fait exprès mais vous n'êtes pas comme ça et comme pour ma part je suis grand prince je ne vais pas vous laisser sur votre faim et le fin mot de cette histoire ne restera pas tue.

Il y a dix ans donc, Ahmed ne s'était pas encore installé à Paris ; il avait bien entendu déjà eu l'occasion de traverser la frontière qui sépare la cité littéraire de la barbarie et que les autochtones appellent boulevard périphérique, mais il habitait toujours sur la terre de ses ancêtres. Il y a dix ans Ahmed ne possédait encore que peu de chose, pas l'ombre d'un jet privé aux abords de la maison paternelle, à peine une barque dans le port et quelques dromadaires pour faire tourner les affaires de la famille. Mais Ahmed possédait déjà ce qui allait lui ouvrir les portes de la fortune, des plus grandes capitales et de faramineux capitaux : sa tête et sa machette.

Vous allez vous demander ce qu'un fils à papa peut bien faire avec une machette et une barque et cela prouvera bien que vous avez l'esprit d'entreprise foutrement limité par votre sens moral car sachez, lecteurs incrédules, que si pour le poète rien n'est impossible à coeur vaillant, dans la réalité un coeur vaillant ne vaux pas tripette face à une lame acérée portée par une main sans foi ni loi. En l'occurrence, une fois sa décision prise de prendre le monte charge social, Ahmed Kelly ne s'est pas embarrassé de remord ou de vaillance. Il commença son périple au port local ; un garde attrapé par les cheveux et une trachée tranchée plus tard, il se retrouva maître d'un chalutier. Ahmed Kelly aime la bonne chère mais pas de là à aller la préparer lui même et encore moins à en aller chercher la matière première au fond de l'océan. Au commande de son nouveau vaisseau, il fit donc le tour de la rade pour trouver bâtiment plus adapté à ses ambitions et le destin, qui garde toujours un oeil attentionné sur notre cher Ahmed, l'amena en vue d'un yacht à l'allure beaucoup plus convenable. Ahmed n'a jamais vraiment suivi de cours de piraterie mais il n'est pas plus compliqué d'attaquer un yacht que de castrer un dromadaire : il suffit de lui présenter quelque chose de suffisamment intéressant à la proue pour qu'il ne fasse plus attention à sa poupe. La mise en pratique fut immédiate, Ahmed amarra le chalutier, auquel il avait préalablement mis le feu, sur la trajectoire du yacht lequel stoppa sa course, les passagers duquel se précipitèrent au museau pour tenter d'éteindre le feu (et surtout de voir un ou deux marins mourir dans d'atroces souffrances) et le cul duquel étant laissé sans surveillance. Ahmed Kelly, que l'on a appelé le marsouin dans son enfance, ne mis que quelques minutes pour rejoindre le pont arrière du navire à la nage la machette entre les dents. Il se dirigea ensuite directement vers le poste de pilotage où d'un swing parfaitement maîtrisé il fit voler la tête du matelot de quart et trouva, comme dans tout bon navire, la seule arma à feu du bord. Il ne lui suffit plus ensuite que de monter sur le pont avant, d'abattre sans sommation un membre de l'équipage, de prendre en joue le reste et d'intimer l'ordre à tous les passagers sauf au capitaine et au propriétaire de sauter par dessus bord en tirant une balle dans la jambe de ce dernier pour devenir maître d'un deuxième navire dans la journée.

Le sort, qui est un peu jaloux de l'attention que porte le destin à Ahmed et qui a secrètement un peu peur de perdre son affection, fit que le yacht qu'Ahmed aborda ce jour là était celui d'un trafiquant de drogue fort imprudent ; Ahmed tira donc de cette aventure, outre une coquette somme de départ pour ses futures activités sous forme de briques de résine, un certain nombre d'enseignement : d'abord ne jamais s'arrêter pour sauver un pauvre qui brule, ensuite ne jamais transporter lui même sa marchandise surtout dans un véhicule qu'un pauvre ne peut pas s'acheter et enfin ne plus jamais être pauvre.

En décembre 1999 Ahmed Kelly entrait donc en vainqueur dans le pays qui l'avait toujours tant fasciné par la grande arche de la défense (il a beau ne pas être bien aligné, il reste le dernier arche qui soit effectivement à une entrée de Paris). Dans les quelques mois qui avaient suivi sa maritime entrée dans les affaires, Ahmed avait réussi en revendant le yacht et la marchandise et en torturant suffisamment son imprudent propriétaire à se faire un nom et à reprendre l'organisation du malheureux à son compte. Il avait bien sûr fallu pour cela investir dans des moyens de transports plus sécurisés et des ustensiles d'extorction plus perfectionnés mais à cette époque les marchands d'armes français n'étaient pas trop regardant sur les acheteurs tant qu'ils venaient d'afrique ; quelques têtes appartenant à des collaborateurs récalcitrants du précédent parrain durent aussi sauter mais les mêmes commerçants vous diront que l'on ne fait pas de trafic sans sacrifier quelques cranes ; mais dans l'ensemble rien de bien insurmontable pour notre vaillant Ahmed au coeur si bien accroché.

Une fois dans la capitale, Ahmed ne fut pas long à en découvrir les rouages et s'il eut quelques problèmes à combler le faussé culturelle entre les coutumes de son désert natal et l'improbable croyance populaire de l'époque qui voulait que la France fut la plus grande nation footballistique de la planète, il rencontra, et comprit vite l'avantage de connaître, Coraline, Madeleine, Lucy et leurs amies, surtout parmi une population qui se berce tant d'illusions. A la fin du mois il connaissait assez de monde pour passer en l'an 2000 d'une façon qui allait devenir une tradition pour Ahmed et ses amis et un rêve inaccessible pour ceux qui l'entrevoient ou qui n'en ressentent que les vibrations.

Ainsi commençait le nouveau millénaire, le millénaire d'Ahmed Kelly, celui de l'axe du mal, de la déliquescence et de la décadence, d'internet et de l'électronique, de la barbarie démocratique et de l'aveuglement prophétique, de l'écologie et du capitalisme. Ahmed Kelly le savait, Ahmed Kelly a choisi son camp, le sien, mais si Ahmed Kelly avait fait d'autres choix alors peut être le monde aurait il emprunté une autre direction car après tout quand on est capable d'arraisonner seul deux navires en une journée on doit bien être capable de se battre contre les courants et de diriger sa barque vers des eaux plus clémentes.

Car après tout, c'est écrit : c'est dans les déserts que l'on trouve les meilleurs marins.

Mais vous allez me dire que je n'ai pas expliqué le mystère qui entoure la date de naissance d'Ahmed Kelly et vous aurez l'impression de vous être un peu fait mener en bateau avec cette histoire. Ceci dit vous remarquerez, car vous êtes perspicaces, que je n'ai pas non plus expliqué pourquoi Ahmed ressentait un tel besoin de quitter sa tribu, ni comment il ne pouvait posséder à cette époque qu'une barque et une machette. Puis vous vous souviendrez qu'Ahmed Kelly n'offre jamais de cadeaux aux anniversaires (et encore moins pour la sacrée fête de naissance d'une boisson pétillante qui se marie fort bien avec les boissons alcoolisées à base d'orge malté) et déteste en recevoir et alors vous conclurez de vous mêmes que ce départ, ce mystère et cette attitude de chacal sont liés mais vous ne poserez pas plus de question car vous préférez préserver la vie privée de votre prophétique ami.

mercredi 16 décembre 2009

Dessine moi un mouton

Parfois, des gens font des commandes à Ahmed Kelly, directe ou indirecte : "C'est un peu chiant quand tu parles de politique", "ça fait longtemps que tu as pas fait un post marrant", "tu fais des phrases trop longues", "tu pars en couille" ...

Personnellement, je n'ai rien contre ce genre de demandes ou de commentaires, c'est cool d'avoir un retour sur son travail ; ce qui me gène plus en revanche c'est que personne n'arrive à me faire de doléances en adéquation avec mes envies personnelles. Du coup, j'en suis à me demander si mes lecteurs n'ont pas quelques lacunes en empathie télépathique. Ceci dit Ahmed Kelly sait bien que ce n'est pas vraiment vendeur de critiquer le lecteur dans ce métier donc il s'abstient et va répondre à une question : celle du petit David B. qui me demandait il y a peu : "Dis Tonton Ahmed, mon papa il veut pas me croire quand je lui dis que tu es un artiste, il dit que t'es rien qu'un fainéant et un sale escroc, pourquoi ? Pourquoi t'es pas un artiste ?"

Mes lecteurs adultes, réguliers et très demandeurs comprendront que je ne peux pas laisser ce pauvre garçon dans une telle incompréhension et me pardonneront donc de lui donner la priorité et de remettre à plus tard l'exaucement de leur si chers souhaits.

Et bien pour commencer mon petit David tu pourras dire à ton père que c'est un gros con et qu'il n'a rien compris à l'art, ensuite tu iras mettre de la glace sur ta joue pour qu'elle ne gonfle pas trop et tu pourras lui ressortir les arguments de tonton Ahmed.

Pour commencer, cassons une idée trop largement répandue chez le commun des mortels et, malheureusement, chez beaucoup de prétendants artistes : faire de l'art c'est pas de la tarte. Les gens comme ton père pensent qu'ils ont un vrai métier et qu'ils gagnent leur pain à la sueur de leur front alors que les artistes se la coulent douce en fumant des joints et en draguant occasionnellement de vieilles veuves qui ne savent plus quoi faire de leur blé ou de riches industriels qui espèrent s'acheter une respectabilité en faisant un peu de mécénat, mais tout cela est faux. Mais bon, Tonton Ahmed ne va pas te cacher la vérité : la pomme est pleinne de vers et, tu le découvriras sûrement à tes dépends, la plupart des gens ont abandonné le concept de morale dans le bac à sable où tu passes tes mercredis après midis ; et donc oui, il existe des gens qui font peu ou prou ce que décrit ton père mais on appelle généralement ces gens là des arnaqueurs. On pourrait débattre de savoir si l'arnaque est un art à part entière mais sur ce coup là Tonton Ahmed s'y connaît légèrement et il peut te dire que les autorités ne voyant pas d'un très bon oeil ce genre d'activités, il y a peu de chances que l'on fasse un jour des expositions sur l'arnaque au Grand Palais. Bon et puis commence pas à poser trop de questions non plus, tu devrais savoir qu'Ahmed Kelly n'aime pas les gens trop curieux ; ça me ferait mal de t'apprendre une autre vérité brutale de la société concernant les gens qui portent des armes mais ni uniformes, ni plaques officielles. Bref, il existe des artistes véreux, des papas étroits d'esprit et des enfants myopathes, la vie est une pute gamin, il faudra t'y faire. Mais stoppons là nos digressions pour revenir à nos métaphores alimentaires sur le difficile travail de l'artiste.

L'artiste par excellence, l'image d'Épinal de l'artiste si Ahmed ose dire, c'est le peintre dans son ateliers poussiéreux entourés de toiles plus ou moins achevées. On pourra déjà remarquer qu'il faut quand même se donner pour arriver à faire des tâches de peinture sur à peu près tout ce que contient un atelier avec une préférence marquée pour les endroits dont un pinceau ne devrait pas s'approcher à moins de trois mètres. Ce peintre donc, qui se donne tout autant pour souiller consciencieusement les parties les plus inutiles à la peinture de sa tenue vestimentaire, est, pour quelqu'un comme ton père, un sombre branleur qui, quand il n'est pas aux putes ou ivre mort dans un caniveau, donne vaguement quelques touches de pinceau sur une croute pour donner le change à ses créanciers. Pour les gens plus ouverts d'esprit, ce peintre a néanmoins un petit quelque chose de romantique qui le rend sympathique et puis finalement il est fauché comme les blés donc on ne peut pas vraiment lui en vouloir. Malheureusement, la modernité a aussi infesté la peinture et depuis qu'un espagnol chauve s'est amusé à peindre des musiciens avec la gueule carrée, des pelletés de gus pleins de tâches s'en foutent plein les poches en vendant des amas de peintures vaguement géométriques ne représentant généralement rien au premier abord avec la complicité de snobinards imbus de leur propre importance et des grands concepts qu'ils créent à la louche pour embobiner les rombières et les patrons suscités. Et depuis, même les gens qui regardaient avec un regard amusé ou apitoyé notre peintre vosgien de montmartre trouvent qu'il faudrait voir à pas les prendre pour des cons parce que leur progéniture décérébrée pourrait faire aussi bien sur leur ardoise magique. Et tu remarqueras que de ce coté là la modernité a fait beaucoup de mal à tout un tas d'autres arts, il suffit d'écouter pour s'en convaincre ces mêmes gens qualifier de bruit n'importe quel morceau de musique électronique ou de tas informe une sculpture moderne...

Mais, encore une fois, tout cela est faux, mon petit David, tous les grands peintres, mêmes les plus abstraits, ont commencé par tenter de reproduire l'objet le plus con que leurs maîtres pouvaient trouver, tous se sont briser les doigts à croquer en quelques minutes des gens nus, tous les musiciens se sont migrainés le crâne à apprendre le solfège ou les bases de la rythmique et tous les comédiens ont ravalé leur fierté pour mimer des poils de cul au fond d'un lavabo. Un artiste, quel qu'il soit, doit travailler comme un bâtard, pour le dire simplement, avant de maîtriser suffisamment son art, l'histoire de son art, son âme, son inspiration et plus que tout son geste afin de créer son oeuvre, d'y poser des fragments de son être et d'obtenir l'harmonie qui le satisfera, l'apaisera et touchera son public. L'artiste est en constant apprentissage, il se bat en permanence contre lui même, il poursuit toute sa vie l'inspiration et les évolutions de son art et il ne communique des sentiments au monde, et ainsi ne gagne sa vie, qu'au prix de ce travail perpétuel et monumental. Il n'est pas d'oeuvres reconnues qui n'aient été créées de cette façon car il n'y a pas de création sans labeur.

Admettons que ton père comprenne ce qu'Ahmed Kelly vient d'essayer de lui faire rentrer dans le crâne, Ahmed veut bien parier sa barbe qu'il continuera à te dire que ton idole n'est qu'un foutu parasite qui se lève tous les jours en début d'après midi pour aller faire le guignol sur une scène et se faire mousser sur des plateaux télés ou à des remises de prix bidons car ton père, comme beaucoup de gens, ne considère pas les acteurs comme des artistes. A sa décharge, il faudrait un nombre certain de mains pour compter le nombre d'acteurs foutrement mauvais, qui squattent le box-office et gâchent le travail de réalisateurs géniaux produits par de sombres andouilles, et le nombre de vagues célébrités, qui s'improvisent acteurs car ils ont trop rapidement atteint les limites de ce qui les a rendu célèbre, sur des doigts. Il n'empêche que les acteurs sont des artistes tout autant que les peintres ou les musiciens ; ce sont des artistes qui travaillent sur leur propre corps et sur leurs propres émotions pour donner vie à des personnages imaginaires ; ce sont des artistes qui à travers cette création se déchargent, comme les autres, des tourments de leurs âmes et des bouffés d'état créatif qui les rendraient fous si elles étaient trop longtemps contenues. Comme le peintre, le danseur, le sculpteur ou le musicien il recherche en permanence le geste parfait qui sublimera tous les essais, toutes les ébauches ou toutes les répétitions pour donner l'Oeuvre, la Création, qui touchera le public et qui comblera le commanditaire (que celui ci soit un réalisateur, un chef d'orchestre, un auteur, un compositeur, un mécène ou un quelconque producteur ; dans une société où l'argent est maître, l'artiste ne crée que trop rarement pour son seul plaisir). Car finalement l'art, sous toutes ses formes, n'est qu'un long combat entre l'artiste et son corps pour amener ce dernier à faire ce geste parfait qui exprimera enfin la pensée et la sensibilité de son propriétaire. Et, pour obtenir plus facilement ce geste parfait, l'artiste doit s'entraîner, travailler, répéter, bref, comme Ahmed te l'a expliqué plus haut : l'artiste doit se les sortir un peu du fondement et suer autant si ce n'est plus que ton malheureux paternel.

Normalement une fois arrivé là tu peux donc lui lancer à la face toute ton admiration pour cet homme, Ahmed Kelly, qui est fier d'être un acteur et un artiste et qui travaille comme un acharné pour améliorer son art et mériter ton admiration. Et si ton père continue à faire la forte tête, c'est avec plaisir qu'Ahmed Kelly lui montrera ses autres talents dans le domaine de la persuasion et de l'extorsion de fond avec ses deux plus fameux partenaires : Machette et Desert Eagle.