mardi 23 juin 2009

Ayahuasca mon amour

Ce matin, Ahmed a fait un rêve et comme on ne lui organise pas un meeting à chaque fois qu'il fait un rêve, il le racontera ici.

Tout commence alors qu'Ahmed est à son bureau, entouré de piles de dossiers en attente. Comme il se doit Ahmed ne tourne jamais le dos à une porte, ni à une fenêtre. Il est assis dans son fauteuil monumental et attend la personne qu'il doit recevoir les coudes sur les accoudoirs et les mains jointes sous son menton volontaire ; un cigare se consume doucement dans le cendrier près de lui et les volutes de fumée l'entourent lascivement. Tout est fait dans cette pièce pour que le visiteur se sente impressionné, intimidé, en position de faiblesse ; Ahmed n'aurait pas vraiment besoin de ce genre de stratagème pour en imposer face à ceux qui arrivent jusqu'ici mais parfois il faut savoir ne pas lésiner sur les moyens et il est toujours bon d'insister, surtout quand on ne peut pas présager de la qualité de son interlocuteur.

Ahmed n'aime pas attendre et il commence à s'énerver ; puis d'un coup, il quitte son corps. Il ne s'est pas endormi, ni évanouit puisqu'il se voit depuis son lustre assis dans la même position, cligner des yeux et même reprendre son cigare pour y prendre quelques bouffées. Le corps d'Ahmed est en automatique et son esprit s'est détaché ; il est donc libre de tout. Expérience faite, cet état éthéré lui permet de passer à travers les murs mais pas de voir "dans" le mur (si on admettait que le pouvoir de passe muraille existait, il serait alors fort probable que les gens dotés de ce don soient les plus grands claustrophobes que le monde ait connu : en effet, il leur suffirait de penser ne serait ce qu'un instant, alors qu'ils sont à l'intérieur d'un mur ou du sol, qu'ils puissent perdre le contrôle de leur pouvoir et se retrouver coincer "dans" la matière...).

Une fois dehors, Ahmed décida de tester les limites de son état. D'abord la vitesse, on a beau être éthéré on ne se déplace pas instantanément. Ahmed pense accélération et le monde commence à se déplacer sous lui (la remarque sur les passes murailles vaut aussi pour l'homme volant, à la différence près que si celui ci est un minimum casse-cou il volera sans se pauser de question et si l'éventualité d'une chute est possible, cette mort est potentiellement moins horrible, et surtout beaucoup mieux conceptualisable que celle de l'emmuration), il continue à accélérer et commence à sentir le temps ralentir. Enfin, il le voit : il n'y a pas que lui qui accélère, les gens ne bougent presque plus, les gouttes d'eau suspendent leurs chutes (oui l'inconscient d'Ahmed est très à cheval sur les principes de la physique). Il retourne vers son point de départ et s'arrête, ce qui a duré pour lui près d'une heure n'a pour les autres duré que quelques instants.

Il s'élève un peu au dessus de la ville et étend sa conscience pour observer la fourmilière et il prend peu à peu conscience de toutes les individualités, de leurs actions, de leurs sentiments et de leurs pensées. La plupart sont ternes et accomplissent des tâches abrutissantes par nécessité plus que par goût. Parmi celles ci, Ahmed estime que 80% le mérite ou ne mérite pas mieux par manque de moyens, de capacités ou d'ambition ; ils ne pensent qu'à leur dîner de ce soir, à leur liste de course ou au quelconque évènement du hobby banal qu'ils ont adoptés par défaut et manque de curiosité, les 20% restant ont soit brûlé toutes leurs cartouches, soit attrapé ce qu'on appelle la schkoumoune à un moment dans leur vie.
Les autres brillent plus mais Ahmed peut quand même les séparer en deux classes : ceux qui se battent et ceux qui profitent. Ces derniers ne sont pas forcément des épicuriens - même si la grande majorité d'entre eux, en ce début d'après midi, glande sévèrement, mange, fume ou fait l'amour - ce sont ceux qui, doté par la nature de dons qu'ils ne méritent pas forcément, n'ont pas besoin de forcer leur talent, ils sont bons dans ce qu'ils font, sont capables de s'adapter à tout sans effort et peuvent assez bien être représentés par un célèbre agent secret britannique dont le brushing bouge moins qu'un sénateur UMP. Les gens n'aiment pas vraiment cette engeance de manière générale. Les premiers sont ceux qui en veulent et, quand on ne se balade pas avec les mouettes dans une forme éthérée, on les remarque facilement aux traces de dents qu'ils laissent dans le plancher.

Bref, Ahmed aime voir les bosseurs bosser, les looseurs looser et les branleurs branler, mais il se sent seul hors de son corps et tente d'appeler d'autres gens comme lui. A sa grande surprise, certains parmi les brillants sentent son appel et le rejoigne. S'en suit une scène qu'il faut plus de cinq sens pour partager et plus d'un art pour décrire, mais pour vous donner une idée : les décharges de plaisir, de volupté et de bonheur qui s'échapèrent, touchèrent même les plus délavés d'entre les ternes.

A la fin, petit à petit, Ahmed sentit la tangibilité l'envahir et alors qu'il revenait de lui même vers son corps il put admirer le lent évanouissement de ce monde de plaisir et de volupté baigné d'une lumière diffuse et paisible semblable à celle d'un couché de soleil sur une mer calme.

Il rentra dans son corps à temps pour savourer la prochaine bouffée de son cigare que son corps portait à ses lèvres. Il aspira la fumée longtemps, la recracha plus lentement encore pendant que son rendez-vous entrait dans la pièce et il prit une décision : ne plus jamais partager le calumet avec un shaman amazonien le matin.

lundi 22 juin 2009

Gentilhomme de fortune

«- "Te voilà bien loin de la mer, marin."
- "Si la mer abrite de nombreux trésors, les clés qui y mènent se trouvent plus volontiers à terre. Mais en quoi cela t'intéresse-t-il vieil homme ?"
Le vieil homme fit quelques pas de façon à ce que la lumière vacillante du chandelier éclaire son visage en partie caché par la capuche de sa bure décrépite.
- "Mais ... tu es aveugle ?!"
- "Bien observé, marin, tu sembles perspicace pour un homme de ton âge."
- "Comment sais tu que je suis marin ?"
Les yeux d'un blanc laiteux sourirent un instant malgré le vide qu'ils contemplent.
- "Tu as le mal de terre, marin, cela s'entend à ta démarche. Et tu sens ... la mer ..."
Le marin, piqué au vif, garda le silence ; le vieillard reprit :
- "Qu'est ce qui te fait croire que tu trouveras ce que tu cherches ici ? Je ne suis qu'un vieux moine et voilà bien longtemps que je ne me tiens plus au courant de ce qui se déroule dans la cité et dans le reste du monde."
- "Tu ne vois plus mais tu lis encore, vieil homme, tu sens ... l'encre et le papier moisi." répondit malicieusement le marin.
- "Un point pour toi, marin, suis moi"»

Il y a de nombreux points noirs dans l'ascendance d'Ahmed ; tous les membres de la famille ne peuvent pas se vanter de connaître leur père et le nombre de ceux qui ne connaissent pas leurs fils dépasse de loin le premier. Pourtant, la Fortune choisit parfois un des membres de la famille pour le conduire sur les pas de ses ancêtres. Et c'est ainsi qu'Ahmed découvrit dans une bibliothèque d'un gai marais, où un étrange partenaire commercial lui avait donné rendez vous, dans la poche d'un moine qui vint s'évanouir à ses pieds (comme quoi on peut consacrer sa vie à dieu et rester un rustre malappris), un carnet qui commençait par ces mots. Et c'est ainsi qu'Ahmed ajouta une étoile à ses galons : de vulgaire trafiquant et vague pirate, il devint Gentilhomme de fortune.

De bien grands mots pour peu de choses, direz vous. Et bien vous avez tord, et c'est une attitude comme la votre qui plonge le monde dans le chaos. Vous allez répliquer que ce n'est pas vous qui vendez des armes aux quatre coins du monde, qui avilissez la jeunesse et la haute société des pays occidentaux avec des drogues bons marchés ; que ce n'est pas vous qui extorquez de l'argent à d'honnêtes commerçants grâce à une armée de gros bras et qui abattez sommairement vos collaborateurs pour la plus petite suspicion et enfin que ce n'est pas vous qui iriez faire les poches d'un moine quand bien même il se serait évanoui à vos pieds.

Peut être, pourtant Ahmed, lui, suit un code et une morale qui peuvent sembler barbare pour le commun des mortels mais qui empêchent le monde de tomber dans la plus complète anarchie.

D'abord Ahmed ne vend pas d'armes à n'importe qui : toujours aux opprimés et aux révoltés et toujours au même prix, jamais aux oppresseurs et aux tyrans (ou alors uniquement à des prix irraisonnés et dans des endroits où ils n'en feront pas grand usage. Ahmed garde le beurre, l'argent qui va avec, enlève la crémière et pisse à la raie du crémier).
Ahmed ne vend pas de la drogue bon marché, Ahmed a de très bonnes amies, les meilleures et les plus pures qui existent et, en grand mécène, il sait les partager avec ceux à qui la vie n'a pas donné beaucoup d'autres choix ; et ne vous plaigniez pas, les amies d'Ahmed sont les muses de la plupart des artistes qui se tuent la santé pour vous permettre de soigner vos rétines et vos tympans endoloris pas tout ce que vous subissez au quotidien.
Ahmed n'extorque pas, il protège. C'est subtil mais différent. Et plus que tout, il moyenne. Ceux qui reçoivent la visite des gros bras d'Ahmed sont les boulangers qui coupent leurs farines à la poussière, les épiciers qui trafiquent les dates de péremption, les grandes surfaces qui pratiquent des marges criminelles, les dealers qui coupent leurs marchandises, les garagistes qui bidouillent votre mécanique, les armuriers qui grippent vos gâchettes ou les taxis qui vous baladent. Ahmed Kelly c'est Robin des bois avec plus de couilles et moins de collant de tapette.
Enfin Ahmed Kelly exige de ses collaborateurs une fidélité infaillible fondée sur la force, l'honneur et la confiance. Celui qui fait fie de ces préceptes s'expose au feu vengeur. Ahmed ne s'embarrasse pas de girouettes et il veut suivre le vent sans avoir à regarder derrière son épaule. Ceux qui le suivent sont prévenus, ils savent les risques qu'ils prennent.

Quant à ce moine, il faut savoir suivre la Fortune quand vous la croisez. Là où vous voyez un oiseau traverser le ciel, Ahmed voit une direction ; ce que vous prenez pour une vulgaire dégradation de bien public est pour Ahmed un signe ou une balise ; Ahmed suit ses pressentiments car il a appris à les écouter et, ainsi, il navigue sans encombre sur les flots de la Providence tandis que vous halez difficilement votre barque depuis les rivages boueux de la fatalité.

Bref, Ahmed vola bien le carnet dans les poches du moine évanoui mais en vrai gentilhomme de fortune, une fois le trésor obtenu il fit un don substantiel aux bonnes oeuvre de la paroisse ; il faut être reconnaissant avec la fortune. Et il en apprit plus sur sa famille en volant ce carnet qu'en passant ses parents au penthotal.

vendredi 19 juin 2009

Réclame spontanée

Ahmed ayant repris le travail, il n'a pas grand chose à dire car rien a changé ici : le monde de l'ingénieur brevet est toujours aussi désespérément vide.

Heureusement Allah, dans son infini mansuétude, a créé internet et l'a donné en pâture à tout un tas de gens qui n'ont pas grand chose à faire non plus de leurs journées. Parmi ceux-ci la plupart n'ont rien à dire, sont trop limités pour le dire d'une façon intéressante ou ont des centres d'intérêt que nous qualifierons de singuliers pour ne pas émettre de jugement de valeur (Ahmed espère que vous ressentez tout le paradoxe de cette fin de phrase, la chasse au jugement de valeur est une quête sans fin ...). Heureusement, il se trouve de part le monde des gens qui ont été touchés par la grâce et, qui grâce à leur talent, nous gratifient de leurs oeuvres qui s'élèvent infiniment au dessus de la bêtise crasse des oeuvres de la catégorie mentionnée précédemment.

Les gens pointilleux et généralement frustrés (ouh tiens un jugement de valeur qui s'est échappé) vont objecter que 70% des pages internet ont trait au cul et, s'ils n'avaient pas peur de rencontrer un russe patibulaire au détour d'une porte cochère, ils émettraient même l'idée que c'est ce qui plaît le plus à Ahmed et que c'est pour cela qu'il nous parle d'internet aujourd'hui. Heureusement ces gens là sont prévenus et n'ont pas envie de rencontrer Igor (la grande majorité des russes patibulaires s'appelle Igor (oh un autre)).

Ahmed, pour en revenir au sujet qui nous intéresse, a donc une mine pratiquement inépuisable de distraction à sa disposition directe, Allah ayant été assez sympa pour ne procurer des responsables informatiques compétents qu'aux entreprises qui n'en ont pas besoin. Et vous allez alors vous demandez sur quoi Ahmed va t il encore se plaindre parce que vous vous dites qu'un article qui commence de la sorte ne peut que se terminer par une diatribe incendiaire (parce que vous aussi faites des jugements de valeur, bande de petits galopins). Mais vous avez tort car la seule chose dont aurait envie de se plaindre Ahmed à ce sujet, c'est qu'il ne peut pas lire de vrais bouquins sans se faire griller en force, comme on dit dans les salons de madame la marquise.

Non, pour une fois, Ahmed ne va pas se plaindre, il va au contraire encenser le blog d'un artiste qu'il ne connaissait pas il y a de ça encore deux semaines et qui lui a sauvé quelques journées depuis. Cet artiste, qu'Ahmed ne peut décemment pas appeler son ami puisqu'il ne l'a jamais rencontré (oui toutes les personnes qu'Ahmed mentionnent comme étant ses amis le sont vraiment, Ahmed connaît du monde ; et si par hasard vous aviez l'occasion de vérifier auprès de l'un d'eux et qu'il niait tout en bloc, dites vous que malheureusement c'est un des drames de la profession d'Ahmed : tel le super héros masqué, il agit pour le bien des gens mais ne peut en récolter les lauriers pour une vague histoire de réputation ...), cet artiste donc c'est : = Boulet = !!

Comme de nombreuses personnes qui, à l'instar de ce cher François F., peuvent être classées dans la classe, malheureusement de plus en plus large, des geeks, Gilles R. a un goût certain pour les divers sujets que la masse regarde avec dédain (la masse fait beaucoup de jugement de valeur, généralement les plus mauvais ...) mais surtout, à la différence d'Ahmed, il a un sacré coup de crayon. Vous allez me dire, avec raison, que cela ne suffit pas et que la nature morte du plus grand des artistes n'en restera toujours qu'une image chiante de fruits sur une table. Oui mais il se trouve que Boulet, comme ne l'indique pas son pseudo, possède un univers onirique et féerique (non ce n'est pas la même chose, vérifiez bande d'ignares) qui a le pouvoir de transporter Ahmed dans un monde où ses petits soucis du quotidien et ses gros soucis professionnels, et malheureusement tout aussi quotidiens, n'existent plus ou, du moins, s'effacent pendant quelques instants bénis. Instants où Ahmed redevient l'enfant précoce qui rêvait de vaisseaux spatiaux, de ouisky et d'homéoputes en lisant les vieux albums jaunis de Moëbius de la bibliothèque (je ne peux pas me résoudre à utiliser le mot bédéthèque, je le trouve moche) de son père.

Il a aussi la fâcheuse tendance de donner à Ahmed l'envie de brûler tout ce qui pourrait ressembler à un crayon dans son intérieur puisqu'il ne sera jamais à même de produire ne serait ce qu'un centième du plus médiocre de ses dessins. Ceci dit, pour vous donner une petite idée de la non compétence d'Ahmed en matière de dessin, il en va de même avec Plantu.

Bref, Ahmed aime beaucoup les dessins de la BouletCorp, et la prochaine fois qu'Ahmed a un peu de temps à perdre, il va s'empresser d'aller lire les productions plus solides du dessinateur car il pense qu'elles valent le détour.

Le dernier et le plus gros des jugements de valeurs qui fleurissent tout au long de ce texte sera donc celui-ci : Boulet est un grand dessinateur, son blog est un des meilleurs qu'Ahmed a pu parcourir le long de ses interminables journées d'ennui et vous seriez idiots de ne pas aller y jeter un oeil.

jeudi 18 juin 2009

Le bal des métiers hurlants

Vous allez me dire qu'Ahmed ne poste pas beaucoup en ce moment et vous avez raison mais il se trouve qu'on ne peut pas tout faire à la fois. Par exemple ce week end, Ahmed était à Monaco pour marier celui qui avait été enterré il y a peu, mais il vous en reparlera dans quelques temps (et cette fois ci il le fera vraiment, la dernière fois il n'y avait pas tant de chose que ça à raconter (sauf si vous insistez bien sûr mais j'en doute)).

Depuis Ahmed a été pris d'une crise de flemmite aiguë qui l'a empêché d'aller travailler et donc d'écrire, car, rappelons le, Ahmed ne faisant rien gratuitement, il préfère toujours écrire pendant qu'il est payé pour faire autre chose.

Ceci dit Ahmed a trouvé sa voie pendant cette petite crise et donc il a prévu de changer complètement de branche ; joie, bonheur et célébrations.

...

En y réfléchissant, ceci mérite une petite explicazionh, comme le dirait le vieil ami d'Ahmed le Dr Helmut P.

Ahmed a beau être ce qu'il est, il n'en a pas moins eu une éducation à peu près normale car on a beau avoir un fils comme Ahmed, on craint toujours qu'il finisse complètement demeuré s'il n'apprend pas un minimum du système scolaire national ; et puis l'école est un bon moyen d'apprendre les relations sociales et de laisser son rejeton escroquer ses petits camarades pour économiser sur l'argent de poche. Ahmed donc a eu une scolarité plus ou moins normale, à ceci près que les voyages de son père et certains de ses agissements envers certains de ses condisciples de sexe féminin ou d'ascendance douteuse l'obligèrent à changer souvent d'établissement. Le goût du voyage s'apprend de gré ou de force : sable et couverts en plastique.

Il n'empêche qu'Ahmed réussit toujours brillamment ses examens et le baccalauréat en poche, il lui fallut décider entre reprendre l'entreprise familiale, faire germer les graines de sa propre affaire d'import/export ou continuer sur la voie de la connaissance.

Vous vous imaginez bien que face à celui qui a pu engendrer Ahmed Kelly le choix ne se fait ni à la légère, ni sur un coup de tête (enfin pas celle d'Ahmed en tout cas) et parmi les rares personnes en ce monde qu'Ahmed respecte et dont il espère toujours garder l'estime, se trouve son paternel (comme quoi la présence d'une figure paternelle forte n'est pas forcément gage de normalité ou de moralité, Ahmed est aussi un militant de la cause lesbienne !). Celui-ci n'ayant pas prévu d'admettre qu'il était trop vieux pour mener sa barque avant de casser sa rame, Ahmed dut donc poursuivre ses études. Ce qu'il fit, tout en récoltant les fruits de son travail passé sur cette affaire de commerce international et en les faisant fructifier ; car si on lui avait intimé l'ordre de continuer à s'instruire, on ne lui avait rien dit sur l'utilisation du peu de temps libre qui lui restait.

Ahmed étudia donc et devint, en ne perdant à peine qu'une année ou deux sacrifiée à l'exploitation d'opportunités commerciales aguicheuses, un brillant ingénieur et un talentueux technicien. Ceci expliquant cela, vous comprenez maintenant mieux pourquoi Ahmed a eu l'occasion d'apprendre à quel point est vérolée toute entreprise qui porte le nom pompeux de 'cabinet' et comment il a pu se faire accepter dans le repère de cancrelats puants que sont ceux consacrés à la propriété industrielle. Mais vous ne savez toujours pas pourquoi il désespère tellement à l'idée de devoir y retourner tous les matins.

Et bien il se trouve que depuis sa plus tendre enfance Ahmed savait qu'il deviendrait l'homme que l'on connaît, il savait qu'il transcenderait le métier de son père mais que malgré les gardes du corps, les yachts, les jets privés, les fusillades et les séances de tortures sur des concurrents trop entreprenants, il ne serait finalement qu'un marchand. Et pour quelqu'un comme Ahmed, il n'y a rien de pire que de voir sa liberté cantonnée à ce labeur qui, s'il n'est pas dénué de noblesse, deviendra fatalement répétitifs, comme tous les autres.
Depuis qu'il s'est rendu compte de cette horrible vérité, Ahmed a dépensé beaucoup d'argent en mages, marabous, sorcières, shamans et autre bonz pour tenter de pouvoir vivre plusieurs vies mais ce n'est visiblement pas possible à moins de vendre son âme au diable or Ahmed n'est pas né de la dernière pluie et il sait très bien qu'il ne faut jamais vendre ce que l'on ne possède qu'en un exemplaire et que l'on ne peut aisément copier, voler ou détruire à distance.

Bref, Ahmed restait, pour une des premières fois de sa vie, sur un échec et le sentiment, croyez le, n'est pas agréable. Pourtant, Ahmed, cinéphile averti, avait la solution sous les yeux depuis le début et un simple "sapristi mais c'est bien sûr" ne suffit pas à faire taire le sentiment encore moins agréable qu'il ressentit alors (la destruction au tractopelle d'un appartement haussmanien presque quelconque du 8e arrondissement aurait aidé en revanche, si on lui avait monté le tractopelle au 5e étage par exemple ...) : il devait devenir acteur et ainsi aurait il l'occasion d'endosser le costume de n'importe quel métier aussi mal payé soit il ; ainsi pourrait il conduire des voitures communes dans les rues de villes où il n'y a rien à gagner ; ainsi découvrirait il la pratique de sports aussi peu attirants qu'indispensables à une bonne narration dramatique comme la boxe anglaise, le booling ou l'ecrime médiévale ; ainsi expérimenterait il les difficultés quotidiennes des membres d'un vaisseau spatial perdu dans l'espace, d'un gallion espagnol à la dérive ou d'un régiment de poilus en alsace-lorraine tout en évitant les évidents problèmes sanitaires qui apparaissent dans ce genre de situation.

Bref, Ahmed a trouvé le métier qui lui convient le mieux et Lundi il a fait le premier pas administratif qui le rapproche déjà de ces marches que tant de gens rêvent de monter alors qu'ils refusent d'éviter l'ascenseur pour un demi-étage.

Mais rassurez vous, Ahmed ne vous abandonnera pas, et il ne ruinera pas non plus les espoirs de son géniteur. Car les chats ne font pas des chiens et ils ont beau être des branleurs, ce ne sont pas des faux jetons.

vendredi 12 juin 2009

Ghost in the nerves

En ce moment, Ahmed Kelly est un peu à cran.Il a la soulitude en lui et cela n'a rien à voir avec une consommation excessive des tubes du regretté James B.

"Mais pourquoi" vous exclamerez vous "Comment est ce possible qu'un roc de sérénité comme Ahmed puisse être dans un état pareil ?" Et bien il se trouve que parfois la Providence décide de rigoler un peu et pour ce faire elle fait tomber sur votre pauvre ami tous les petits malheurs du monde. Petits malheurs parce que, rassurez vous, il n'est rien arrivé de grave à ce cher Ahmed, au contraire : la vie poursuit son court calmement, la femme qui éblouit éblouit toujours autant, le corps et les affaires se portent bien ; et c'est bien ça le pire. Cette pute de Providence trouve ça beaucoup plus drôle de torturer ses victimes en ne leur infligeant que de petits désagréments qui, un à un, ne sont que des pets de mouches dans une douce brise d'été ; mais elle les envoie en rafale et comme partout la multitude finit par faire ployer le plus résistant des chênes.

La patience d'Ahmed Kelly a beau être légendaire des faubourgs de la ville ronde jusqu'au contrefort du Machu Picchu, elle est donc fortement érodée depuis quelques jours et Ahmed est au bord de l'explosion. Il faut dire, pour être plus précis, qu'Ahmed a du subir en quelques jours : les employés les plus lents du monde et les plus teubés à chaque fois que le temps n'était pas dans son camp, la tendance perverse des papiers importants à se camoufler au milieu de vides poches encombrés, la passion dévorante des automobilistes parisiens pour leurs inutiles klaxons, l'égoïsme apathique de ses collègues dépourvus de la moindre once d'ambition et, pire que toutn une crise d'électronégativité dantesque.

Ceci mérite d'ailleurs une petite explication : de nos jours nous utilisons tous les jours des appareils électroniques de plus en plus perfectionnés, et donc fragiles, et de manière générale cela a rendu la vie plus facile à une grande majorité de personnes (Ahmed ne fait pas de passéisme ; loin de lui la croyance en la redécouverte du bonheur dans l'état de nature. Il serait d'ailleurs intéressant de défier tous les chantres de ce retour au source hypocrite de se passer de technologie pendant un mois : Ahmed serait près à parier que ces moralisateurs à deux sous que sont Yann A.B., Nicolas H. ou autre Francis L. seraient les premiers à se plaindre du manque, en vrac, d'appareils photos numériques, de maquilleuses, de caissons UV, d'hélicoptères ou d'accordeurs électroniques ; fin de la parenthèse je laisse le plaisir à mon ami Coon P. de cracher à la gueule de ces père-la-morale tout le fiel qu'ils méritent). Mais cette abondance de technologie avilissante n'a pas que de bons cotés pour l'humain moyen et certains groupes en souffrent profondément :
- D'abord, les hypocondriaques compulsifs et fiers défenseurs de l'obscurantisme pieu, qui a toujours tiré l'humanité vers le bas, qui brandissent à tour de bras le principe de précaution pour interdire les antennes relais au dessus des écoles de leurs gamins dégénérés, tout en mangeant presque exclusivement des plats cuisinés au four à micro-onde devant leurs télévisions connectés au réseau wifi de la maison. Ahmed n'est pas sûr que le fait de baigner en permanence dans des ondes électromagnétiques soient très bon pour l'organisme mais il est par contre certain que ce ne sont pas là les plus grands dangers qui planent au dessus des petites têtes blondes de la classe moyenne occidentale, petites têtes blondes qui d'ailleurs ne risquent pas le millième en toute un vie de ce que risque le citoyen lambda d'un pays du tiers-monde (qui n'a jamais vu une borne wifi ceci dit ...).
- Et d'autre part, les gens comme Ahmed qui sont électronégatifs et qui donc n'espèrent même pas utiliser la moitié des fonctionnalités du téléphone portable hors de prix qu'ils se sont fait refourguer, qui n'auront jamais accès aux débits annoncés par les fournisseurs d'accès à internet même si ils habitaient sous les fermes de serveurs de Google, qui ne peuvent pas garder un ordinateur et un système d'exploitation en état de marche plus de 6 mois même en n'utilisant que le démineur, qui peuvent appuyer sur un bouton de digicode en le frôlant du doigt mais qui perdront l'usage d'un doigt en essayant d'allumer un écran et qui font calculer la 12000e décimal de pi à firefox en allant regarder facebook.

Ces gens ont la malédiction du fantôme de la machine : à la différence du commun des mortels ils peuvent interagir avec lui mais contrairement à l'image d'épinal scénaristiquement avantageuse des séries hollywoodiennes, le fantôme de la machine et eux ne se comprennent pas et à l'instar d'un hooligan dans un club de lecture l'antipathie est réciproque, immédiate et fulgurante.

Ahmed, comme ses semblables, sera sûrement un messie ou le leader charismatique d'une rébellion désespérée quand les machines se rebelleront mais en attendant c'est un homme au bord de la crise de nerf à qui il manque un dernier écran bleu avant d'exploser dans les cris et la souffrance.

Heureusement demain, Ahmed part voir le prince et marier un de ses bons amis dans un pays où les billets de banque poussent sur les arbres, réjouissez vous pour lui.