vendredi 30 octobre 2009

Valse avec Ahmed




Ce soir, Ahmed a bu plus qu'il n'aurait du ; ce soir, Ahmed voudrait écrire plus qu'il ne le peut ; ce soir Ahmed est dépité mais ce soir, comme tous les soirs, est la fin d'un mouvement.

Pendant son silence, Ahmed a changé : il n'est plus ébloui, il voit la futilité derrière la brillance, il valse avec ce qu'il lui reste et navigue toujours difficilement mais plus sûrement sur les eaux boueuses du danube. Ce soir Ahmed est viennois, hier il était américain, demain il sera russe. Ahmed est partout, Ahmed se terre et finalement Ahmed se réveille.

On a beaucoup dit à Ahmed, alors qu'il n'allait pas bien, que la libération se trouvait dans l'écriture, que la libération se trouvait dans le travail, que la libération se trouvait dans l'occupation. Mais Ahmed n'en a cure, Ahmed est et sera toujours libre, Ahmed sait la liberté, Ahmed a inventé la liberté.

Ahmed n'a jamais eu besoin de se libérer, Ahmed souffre sur un autre plan. Spectateur de sa propre vie, il se voit subir, contemple son désespoir, analyse sa souffrance ; d'un geste souple il la balaie et se retrouve face à lui-même et d'un coup la vraie peine apparaît. Ils se regardent, se jaugent, se cherchent, s'invectivent un peu et se tournent autour. Ils apprennent à se connaître, se retrouvent dos à dos, se retournent, se perdent et s'empoignent.

Ahmed a connu pire : des tréfonds du désespoir il est toujours remonté, de cette peine là il ne fera qu'une bouché.

Pourtant le corps d'Ahmed a failli lacher prise, il a voulu abandonner, s'est laissé submerger par la houle maladive de la désespérance. Amoindri, Ahmed a du lutter contre ses entrailles. La lutte fut sévère, les victoires dignes de Pyrrhus mais Ahmed a vaincu, il a mis au pas la nature.

Les ennemis d'Ahmed ont essayé de profiter de son état de faiblesse et jusque dans son lit ont essayé de l'atteindre. Certains ont réussi, ils n'en seront que plus durement châtié, les autres se sont écrasés sur la dure parois de son indifférence et à travers les bulles de sang qu'ils cracheront sur les ruines de leurs vanités ils se repentiront et demanderont pardon d'avoir douté.

Aux cotés d'un Ahmed affaibli, ses amies se sont montrées plus fortes et dévouées que jamais. Il a pu vérifier leur loyauté, ils ont renforcé leur amitié car c'est dans l'adversité que les rats aident les marins et s'ils quittent le navire ce n'est que pour avertir ces derniers que tout espoir est vain. En l'occurrence, elles n'ont jamais douté, pas une seule seconde, même quand elles ont du veiller à son chevet ; leur amour est indéfectible.

Ahmed a quand même failli se perdre dans les méandres d'un fleuve qu'il ne connaît pas, il y a d'ailleurs perdu quelques jours. La brume a ce côté hypnotique qui avale le voyageur imprudent mais Ahmed fait confiance à ses sens et c'est la vrai musique de la beauté qui l'a reconduit vers les eaux calmes de la sérénité.

Mais il suffit, il ne sied pas à quelqu'un comme Ahmed de s'apitoyer sur son sort ; les phares n'ont pas peur du noir. Ce soir Ahmed est viennois, hier il était américain, demain il sera russe. Ahmed est partout, Ahmed se terre et finalement Ahmed se réveille.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ahmed est toujours très vague, très imagé, sur les tourments de sa vie, qui sont aussi les tourments de beaucoup d'autres "Ahmed".
Ceci dit, si Ahmed sous-entend qu'il est multiracial, multiethnique, et que - de fait - ses interrogations et ses tracas sont généralisables... Cela semble pure anthenticité. Ce qui ne semble pas faux, quoiqu'Ahmed reste suffisament vague sur la source de ses questions existentialistes, mais force est d'y croire car à beaucoup les questions d'ordre philosophique parlent, et ce de plus en plus.
En tout cas, ma propre verve trop souvent baillonnée par l'ordre social, la bienséance, me pousse à encourager Ahmed dans ses élents grammatico-syntaxiques qui provoquent chez moi toujours un sentiment de plaisir indéniable... Que cela dure ; la verve Ahmed reste suffisemment rare sur la sphère blogoshéprique pour qu'on l'encourage des deux mains, avec les félicitations du jury.
Cela étant, Ahmed devrait être un "décroissant" car ce qualificatif, antinomique - si l'on en croit les principaux ennemis - rentre en plein dans sa mouvance anti-systémique...
Qu'Ahmed continue : sa conscience humaniste (si l'on en croit son amour pour les cuisines lors de réunions festives) en fait sa grandeur.

A. Kelly a dit…

Que voilà un commentaire élogieux, j'en ai presque rougi.
Ceci dit tu as raison, si je reste aussi vague sur les causes des souffrances d'Ahmed c'est bien parce que ce blog n'a pas pour vocation d'être un journal intime et parce qu'il se veut plus ou moins universel. C'est à double tranchant car ceux qui me connaissent comprennent certains sous-entendus qui doivent paraître bien obscurs aux autres ; je n'ai pas la prétention de croire que ma vie pourrait intéressé les internautes alors que celle d'Ahmed peut parler à tous et puis, avouons le, cela me donne beaucoup plus de libertés.
Bref, je parle de moi à travers Ahmed pour pouvoir parler de tout à tous.