vendredi 29 mai 2009

Honest but positive

Depuis quelques temps, comme je l'ai déjà dit, Ahmed Kelly travaille dans un cabinet de conseil pour s'améliorer un peu dans l'art obscur de la propriété intellectuelle et aujourd'hui quelque chose m'a frappé.

Si j'avais un tant soit peu su dessiner, là vous auriez eu le droit à un joli dessin d'Ahmed Kelly se prenant un truc en travers de la tronche mais comme je dessine aussi bien qu'un chimpanzé héroïnomane vous allez devoir imaginer la chose.

En effet, en ce début d'après midi (tout est relatif), voyant tous ses collègues cravacher comme des dingues pour faire diminuer la pile de dossier en attente, Ahmed s'est demandé ce qui pouvait bien les motiver et surtout pourquoi, lui, se faisait chier comme un communiste à une vente aux enchères. Ahmed étant, malgré tout, quelqu'un de très cérébral une foule de question ont suivi les deux premières et, si ce n'avait été pour les quelques coupes de champagnes ce midi, une remise en question profonde aurait débarquée à la suite pour profiter des petits fours.

Et puis en descendant fumer une cigarette sur le trottoir et en crachant dans le dos de deux membres de la caste gerbante des jeunes cadres dynamiques, la vérité lui est apparue étincelante comme une poignée de diamants dans la main d'un chef de guerre africain (j'ai pensé cette phrase en anglais en fait : truth appeared shining like a bunch of blood diamonds in the hand of an african lord of war, trois titres de film en une phrase qui dit mieux ?) : Ahmed Kelly n'a aucune conscience professionnelle.

Et c'est pour ça qu'à posteriori, on peut affirmer qu'Ahmed a parfaitement choisi sa branche : les professions libérales ont, en effet, ça de bon qu'elles impliquent d'être son propre patron, ce qui est un avantage certain pour les collaborateurs d'Ahmed car la dernière personne qui a tenté de lui donner un ordre dérive maintenant entre la mer du nord et l'océan arctique. Et puis soyons franc quelques instants : la conscience professionnelle dans la branche d'Ahmed c'est une vaste rigolade, l'UFC-Quechoisir ne faisant que rarement d'enquête sur les produits que fournit Ahmed.

Ce qui est un peu plus embêtant pour la boite dans laquelle travaille Ahmed, c'est qu'il n'est pas du genre à communiquer sa passion et qu'il entraîne donc ses collaborateurs les moins motivés sur les pentes verdoyantes de la procrastination et de la glande sans vergogne. L'anti conscience professionnelle d'Ahmed est très communicative.

Ceci étant dit je vous rassure, Ahmed peut se motiver pour travailler sérieusement, il suffit soit de lui présenter une compensation financière à la hauteur de la futilité, dans le référentiel Kellyeste, de la tache que vous souhaitez lui confier ; soit de lui proposer une activité satisfaisante. Hier, par exemple, en discutant avec un de ses amis, Ahmed a ébauché l'idée d'une collaboration journalistique qui, si elle ne lui permettra sûrement pas de flamber au casino, l'enthousiasme autrement plus que de participer à la main mise des corporations sur l'esprit d'entreprise mondial et à la mascarade de la propriété industrielle.

Mais alors, vous direz vous, pourquoi Ahmed continue t il dans cette branche ? Pourquoi ne claque t il pas la porte théâtralement, lui qui est libre comme la brise printanière ? Et bien parce qu'Ahmed n'aime pas partir avant la fin de la séance et il sait que de truculents rebondissements ne vont pas manquer de se produire, pour sa plus grande joie, et que son petit sourire moqueur n'est pas prêt de disparaître dans cet immense jeu de marionnettes encostumées.

Espérons juste que le temps ne virera pas à l'orage et qu'Ahmed Kelly continuera à prendre les choses avec philosophie, sinon il risque d'y avoir du bois brisé sur les trottoirs de la rue de la Boétie.

Et c'est d'ailleurs bien dommage parce que, outre le fait que je trouve le nom de cette rue très beau, l'écrivain qui lui a donné son nom peut être considéré comme l'un des premiers libertaires. « Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres. »* écrit-il et Ahmed de reprendre de tête : «Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genou.»* puis d'ajouter sous cape : «enfin d'où je suis, celui là ne m'a pas l'air bien grand ...» .

De voir sa rue desservir la demeure du tyran, le ministère de la tyrannie et les bureaux des courtisans, ce pauvre Etienne de la B. doit avoir l'éternité salement agité.


* Citations provenant du Discours de la servitude volontaire de Etienne de la Boétie, donc, que je n'ai pas lu mais qui m'a l'air fort intéressant ; Ahmed Kelly est sympa, Ahmed Kelly vous cultive (enfin il vous trouve des pages wikipedia intéressante quoi ...)

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