mardi 12 mai 2009

L'habit fait le soumis

Aujourd'hui, Ahmed a décidé de tomber la veste.

En effet, depuis quelques semaines, Ahmed travaillant avec des gens qui se la joue un tantinet, il se sentait obligé de porter le costume correct de l'homme d'affaire aux dents longues qu'il est. Enfin, costume correct dans ce monde étrange où les gens pensent que par l'apparence ils combleront leur manque certain de productivité. Mais, vous le savez, Ahmed n'aime pas qu'on lui force la main et il n'est pas dans ses habitudes de se plier à des coutumes idiotes pour flatter la croupe d'un quelconque potentiel collaborateur.

Pour vous remettre un peu dans le contexte, il faut savoir qu'Ahmed est en train de se perfectionner dans le domaine de la propriété intellectuelle (que l'on nomme maintenant propriété industrielle pour faire plaisir à ces fumeurs de cigares qui squattent le fouquette et les barbecues du MEDEF, mais Ahmed ne va pas se laisser dicter quelque chose par ses rustres, il restera envers et contre tous un intellectuel) ; domaine qui lui permettra d'arrêter de se faire copier par ses concurrents moins inventifs. Or dans ce milieu, les gens ayant fini par prendre l'habitude de côtoyer les cols blancs qui dirigent les grandes boites de toute la planète, tout le monde s'engonce dans des costumes mal taillés et entretient le marché florissant du lavage à sec. Je précise que les costumes sont mal taillés car les gens qui travaillent dans ce type de cabinet ont beau se donner le nom pompeux d'ingénieur-juriste, ils n'en restent pas moins des ingénieurs qui ne sont pas assez malin pour inventer eux-mêmes et qui se font du blé sur le dos de ceux qui le sont, vous vous imaginez donc bien que leur goût vestimentaire vole à peu près au niveau de leur créativité ; mais Ahmed vous en reparlera plus tard, revenons en à nos moutons. Ahmed a donc porté ces derniers temps l'uniforme réglementaire des arrondissements huppés qui abritent les officines de ces messieurs. Et inutile de vous préciser qu'il le portait avec autrement plus de classe que le cadre moyen qui tente de bien cadrer dans sa classe. Mais Ahmed n'est pas assez orgueilleux pour se contenter de cette victoire facile ; enfin, si, son orgueil s'est moqué froidement de l'envie que la prestance d'Ahmed a suscité chez les cadres sus-cités mais son esprit de contradiction lui a gentiment fait comprendre qu'Ahmed n'allait pas se contenter d'une victoire si facile, l'éternel combat du péril et de la gloire ... Il fallait donc renoncer au costume pour arborer fièrement des vêtements plus quotidiens tout en gardant le surplus de classe qui distingue Ahmed des scribouillards du quartier.

Ahmed enfila donc ce matin son plus beau jean écologique, s'enroula le visage de son cheich le plus bleu et partit affronter ses nouveaux et provisoires collègues sur le terrain de la classe et du bon goût.

Sa victoire par KO fut sans appel.

Et ne croyez pas que cet acte ne fut qu'une bravade personnelle destinée à amuser Ahmed car sur le plan de la lutte des classes, l'exercice n'est pas sans conséquences. Quel intérêt, en effet, ont les dirigeants de ce milieu sordide, et des autres dans le même genre, à faire passer une part non négligeable du salaire de leurs employés dans l'achat et l'entretien d'accoutrements qu'ils n'apprécient pas nécessairement et qui ne les aident en rien à accomplir leur travail par une forme ou des propriétés particulières ? C'est à croire que le lobby du prêt à porter tient par les couilles les cols blancs et se repaît de leur couardise. Qu'un commercial ou un porte-parole doive se faire beau pour donner à son interlocuteur une impression de richesse et de réussite, c'est compréhensible, même si on pourrait arguer que l'entreprise devrait leur fournir leur uniforme de travail. Mais en quoi le fait de faire porter un costume à un employer de bureau qui ne croisera, plus de 300 jours par an, que ses collègues et divers réparateurs de machines automatiques défectueuses apporte t il un quelconque bénéfice à l'entreprise ? En pratique, le principal effet de cette obligation est de rallonger considérablement les poses gogues des plus rustres.

Bref, si vous aussi vous voulez vous révolter contre le capitalisme immoral et manifester pour un nouvel ordre mondial sans perdre votre boulot et sans trop mouiller la chemise : tomber la veste et la cravate. Faites retrouver aux jeans le coté sulfureux de leurs débuts, redonnez une nouvelle jeunesse à vos costumes de guerre de vos années étudiantes.

Car aujourd'hui plus que jamais : la révolution est dans le marcel !!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

mortel!
je commence à en avoir sacrément marre de porter costard cravate tous les jours... et dire qu'avant d'y être obligé, je ne portais déjà presque que ça!