vendredi 12 juin 2009

Ghost in the nerves

En ce moment, Ahmed Kelly est un peu à cran.Il a la soulitude en lui et cela n'a rien à voir avec une consommation excessive des tubes du regretté James B.

"Mais pourquoi" vous exclamerez vous "Comment est ce possible qu'un roc de sérénité comme Ahmed puisse être dans un état pareil ?" Et bien il se trouve que parfois la Providence décide de rigoler un peu et pour ce faire elle fait tomber sur votre pauvre ami tous les petits malheurs du monde. Petits malheurs parce que, rassurez vous, il n'est rien arrivé de grave à ce cher Ahmed, au contraire : la vie poursuit son court calmement, la femme qui éblouit éblouit toujours autant, le corps et les affaires se portent bien ; et c'est bien ça le pire. Cette pute de Providence trouve ça beaucoup plus drôle de torturer ses victimes en ne leur infligeant que de petits désagréments qui, un à un, ne sont que des pets de mouches dans une douce brise d'été ; mais elle les envoie en rafale et comme partout la multitude finit par faire ployer le plus résistant des chênes.

La patience d'Ahmed Kelly a beau être légendaire des faubourgs de la ville ronde jusqu'au contrefort du Machu Picchu, elle est donc fortement érodée depuis quelques jours et Ahmed est au bord de l'explosion. Il faut dire, pour être plus précis, qu'Ahmed a du subir en quelques jours : les employés les plus lents du monde et les plus teubés à chaque fois que le temps n'était pas dans son camp, la tendance perverse des papiers importants à se camoufler au milieu de vides poches encombrés, la passion dévorante des automobilistes parisiens pour leurs inutiles klaxons, l'égoïsme apathique de ses collègues dépourvus de la moindre once d'ambition et, pire que toutn une crise d'électronégativité dantesque.

Ceci mérite d'ailleurs une petite explication : de nos jours nous utilisons tous les jours des appareils électroniques de plus en plus perfectionnés, et donc fragiles, et de manière générale cela a rendu la vie plus facile à une grande majorité de personnes (Ahmed ne fait pas de passéisme ; loin de lui la croyance en la redécouverte du bonheur dans l'état de nature. Il serait d'ailleurs intéressant de défier tous les chantres de ce retour au source hypocrite de se passer de technologie pendant un mois : Ahmed serait près à parier que ces moralisateurs à deux sous que sont Yann A.B., Nicolas H. ou autre Francis L. seraient les premiers à se plaindre du manque, en vrac, d'appareils photos numériques, de maquilleuses, de caissons UV, d'hélicoptères ou d'accordeurs électroniques ; fin de la parenthèse je laisse le plaisir à mon ami Coon P. de cracher à la gueule de ces père-la-morale tout le fiel qu'ils méritent). Mais cette abondance de technologie avilissante n'a pas que de bons cotés pour l'humain moyen et certains groupes en souffrent profondément :
- D'abord, les hypocondriaques compulsifs et fiers défenseurs de l'obscurantisme pieu, qui a toujours tiré l'humanité vers le bas, qui brandissent à tour de bras le principe de précaution pour interdire les antennes relais au dessus des écoles de leurs gamins dégénérés, tout en mangeant presque exclusivement des plats cuisinés au four à micro-onde devant leurs télévisions connectés au réseau wifi de la maison. Ahmed n'est pas sûr que le fait de baigner en permanence dans des ondes électromagnétiques soient très bon pour l'organisme mais il est par contre certain que ce ne sont pas là les plus grands dangers qui planent au dessus des petites têtes blondes de la classe moyenne occidentale, petites têtes blondes qui d'ailleurs ne risquent pas le millième en toute un vie de ce que risque le citoyen lambda d'un pays du tiers-monde (qui n'a jamais vu une borne wifi ceci dit ...).
- Et d'autre part, les gens comme Ahmed qui sont électronégatifs et qui donc n'espèrent même pas utiliser la moitié des fonctionnalités du téléphone portable hors de prix qu'ils se sont fait refourguer, qui n'auront jamais accès aux débits annoncés par les fournisseurs d'accès à internet même si ils habitaient sous les fermes de serveurs de Google, qui ne peuvent pas garder un ordinateur et un système d'exploitation en état de marche plus de 6 mois même en n'utilisant que le démineur, qui peuvent appuyer sur un bouton de digicode en le frôlant du doigt mais qui perdront l'usage d'un doigt en essayant d'allumer un écran et qui font calculer la 12000e décimal de pi à firefox en allant regarder facebook.

Ces gens ont la malédiction du fantôme de la machine : à la différence du commun des mortels ils peuvent interagir avec lui mais contrairement à l'image d'épinal scénaristiquement avantageuse des séries hollywoodiennes, le fantôme de la machine et eux ne se comprennent pas et à l'instar d'un hooligan dans un club de lecture l'antipathie est réciproque, immédiate et fulgurante.

Ahmed, comme ses semblables, sera sûrement un messie ou le leader charismatique d'une rébellion désespérée quand les machines se rebelleront mais en attendant c'est un homme au bord de la crise de nerf à qui il manque un dernier écran bleu avant d'exploser dans les cris et la souffrance.

Heureusement demain, Ahmed part voir le prince et marier un de ses bons amis dans un pays où les billets de banque poussent sur les arbres, réjouissez vous pour lui.

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