jeudi 14 mai 2009

Flower Power

Aujourd'hui Ahmed Kelly a acheté des fleurs. Et non, ce n'était pas du pavot.

Il a acheté des fleurs parce qu'il avait envie de dire quelque chose à sa bien-aimée et parce qu'il trouve que le monde manque un rien de romantisme en ce moment. Pourtant, on serait tenté de dire que ce ne sont pas les occasions qui manquent. Dans l'imagination d'Ahmed qui, finalement, est un grand romantique au sens romanesque du terme (rassurez vous Ahmed n'a pas viré sa cuti) l'ère est à la révolte et donc à la romance.

Mettons nous tout de suite d'accord sur un point, lorsque ce ne sont pas les grands amis d'Ahmed, Honoré de B. ou Gustave F., qui les écrivent, les histoires d'amour de la petite bourgeoisie, où la plus grande crainte des protagonistes est le regard en coin des bigotes, ne valent pas mieux que les rédactions d'un élève de 6e légèrement attardé. Par contre lorsque deux amants ne peuvent se rejoindre parce que leurs familles respectives ne peuvent pas se blairer ou parce que la rue qui séparait leur maison est devenu un champ de mine et de cadavres carbonisés alors on en fait des films épiques, la dernière blondasse décolorée peut citer Shakespeare et Ahmed écrase parfois une petite larme.

Mais vous allez vous demandez maintenant ce que tout cela a à voir avec les fleurs et l'ère actuelle. Et bien, il se trouve qu'Ahmed étant d'humeur joyeuse en ce moment il a décidé ce matin de marcher à travers Paris et en passant devant la Sorbonne désertée, il eut une vision. Les mauvaises langues diront qu'Ahmed a un peu trop tiré sur la pipe hier soir et elles n'auront pas forcément tort ; par contre elles se mordront les doigts de ne pas avoir écouté les paroles de l'oracle éveillé par la fumée sacrée. Dans sa vision Ahmed revit la Sorbonne, lieu de connaissance et de poésie s'il en est, en état de siège. Il revit l'université de Paris aux mains des étudiants révoltés, abrités derrière des barricades de fortune lors d'un printemps lointain ; il revit la faculté gardée par des gendarmes sous leurs armures de plastiques et derrière leurs murs de métal hermétiques un printemps plus proche et il vit la Sorbonne en flamme à la merci des pillards, assiégés par la soldatesque dans un printemps futur. Mais il eut beau chercher il ne trouva point d'amoureux, ni sur les bancs des amphis, ni sur les bancs publiques, ni dans les cours historiques où tant de gens se sont embrassés à l'ombre des arcades.

Ahmed en fut peiné et au lieu d'acheter un bouquet pour sa promise, il déposa une gerbe pour ces absents.

Vous allez vous demander d'où peut bien venir cet accès de sentimentalisme soudain. Et bien, parfois il se trouve qu'Ahmed perd un peu espoir. Oh ne vous inquiétez pas, il ne se fait pas de soucis pour son avenir ou pour la santé de son entreprise, étonnement la crise fait bien ses affaires car vous seriez étonnés de savoir combien de personnes déprimées par la perte de leurs actions dilapident la fin de leurs économies dans des remontants poudrés. Non, Ahmed est bien au dessus des problèmes de ce monde, ce qui le tracasse le plus actuellement c'est de savoir si le vent soufflera dans le bon sens la semaine prochaine à l'île Maurice pour son cours de planche à voile. Par contre, en homme d'affaire averti, Ahmed se tient au courant de l'actualité et en ce moment il se fait du mouron parce qu'il semble bien qu'une bande d'illuminés a décidé de n'en faire qu'à sa tête et que les gens auront beau descendre dans la rue, ils ne récolteront rien de plus que des ampoules et des allergies à la merguez. Il faut dire qu'il est facile de se persuader d'avoir raison quand les gens qui sont payés pour vous tenir au courant obtiennent leurs infos dans les toilettes de vos cabinets. Le serpent ne se mord même plus la queue, il est en train de s'autodigérer de l'extérieur ; c'est une révolution dans le monde de l'ulcère.

Ahmed pense donc qu'il faut trouver un autre moyen de leur faire comprendre les choses et il en revient donc aux fleurs car, ce matin, voulant faire les choses dans les règles, il a étudié son petit précis de langage floral pour composer un bouquet qui exprimait son amour tendre et passionné sans risquer une bête coquille en plaçant une verveine (amour platonique) ou une violette (timidité).

Ahmed préconise donc l'envoi en masse de bouquets de narcisses, de soleils d'or, d'hysope, de buglosses, de gentianes, de jusquiame entourés de quelques feuilles de laitues, de lotus et de plantain. Ce qui veut dire en gros et sans l'accent : espèce de gros fat, arrogant, menteur et injuste, je suis désenchanté, las de vous et doute de vos actions *.

Et après on vient dire à Ahmed qu'il n'a aucune élégance et qu'il devrait faire de la politique car cela va bien aux chacals de son espèce, Ahmed est obligé de s'énerver et il y a encore des taches de sang sur la moquette.


*véridique.

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