jeudi 26 mars 2009

Surdité sélective et cigares cubains

On demande parfois à Ahmed Kelly s'il n'a jamais eu de démêlés avec la Justice vu le caractère quelque peu douteux de certaines de ses activités vis à vis de la loi de beaucoup de pays.

Et bien pour répondre à vos interrogations, oui, Ahmed a déjà été appelé à comparaître. Vous pourrez même entendre dire au détour d'un coin sombre qu'il aurait été condamné il y a de cela quelques années mais à ce moment votre méfiance naturelle se réveillera car vous ne pouvez croire ce genre de balivernes. Mais revenons en à notre histoire.
La scène se déroule dans une bergerie de l'île de beauté dans laquelle un bon ami d'Ahmed, Yvan C., berger de son état, passe le plus clair de son temps. Ahmed est venu lui rendre visite et par la même occasion le réapprovisionner et les deux hommes dégustent tranquillement de majestueux havanes que Fidel C., un autre bon ami d'Ahmed, lui a fait parvenir. Mais vous vous doutez que les soirées d'Ahmed ne peuvent se dérouler aussi paisiblement, surtout quand elles valent le coup d'être racontées.
Lors de cette soirée donc, alors que la cendre ne remplit encore qu'à peine le cendrier qui orne solitairement la table, le scout, qui accompagne Ahmed dans toutes ses visites à mère nature, déboule sans prévenir dans la petite salle enfumée en criant que le maquis résonne des aboiements des chiens policiers et des pas feutrés de leurs maîtres. Yvan, qui se sait poursuivit pour une sombre histoire d'employé de préfecture récalcitrant, prend peur et manifeste son désir de vider les lieux au plus vite. Ahmed lui, vous vous en doutez, ne craint pas les représentants de l'ordre ; il offre donc son treillis camouflage à son ami et lui souhaite bonne chance d'une accolade virile, tout en lui promettant de ralentir au mieux ses poursuivants. Le berger file prestement et Ahmed reste seul avec son scout à qui il propose de finir le havane laissé à l'abandon.
Les policiers enfoncent la porte quelques minutes plus tard ; Ahmed ne cille pas, le scout pâlit. Les fonctionnaires crient, questionnent, fouillent, menacent ; Ahmed sourit, le scout verdit. Un gradé impose le calme à ses subordonnés et prévient Ahmed des risques qu'il prend à entraver le déroulement de la Justice ; Ahmed tire sur son cigare, le scout vacille. L'officier ordonne qu'on lui passe les menottes séance tenante ; Ahmed tique, le scout vomit.
Le lendemain matin, après une nuit en cellule, Ahmed est conduit devant un juge d'instruction. Quelques minutes plus tard, il ressort et le juge prend sa journée pour régler quelques affaires. Il est alors conduit à la préfecture chez le remplaçant de celui avec qui les amis communs d'Ahmed et d'Yvan ont eu quelques points de mésententes. Le préfet menace, déclare qu'il fera remonter l'affaire en haut lieu et que ce n'est pas en faisant chanter un juge d'instruction qu'Ahmed s'en tirera. Devant le silence d'Ahmed il s'exécute et appelle le ministère. Il écoute, pâlit, verdit, vacille et suit l'exemple du scout. Ahmed ressort libre et finit son cigare sur le parvis de la préfecture.
On a entendu dire que le scout parcourait maintenant des forêts de l'autre côté de la méditerranée et que les fonctionnaires qui n'ont pas disparu après cette histoire compte des cailloux à St Pierre et Miquelon.

Mais vous allez vous demander maintenant pourquoi Ahmed vous raconte cette histoire. Et bien parce qu'il est choqué de la façon dont est rendue la justice dans le pays des droits de l'homme. En effet, toute l'ambiguïté du débat judiciaire repose le plus souvent sur le fait qu'il faut choisir du témoignage de deux hommes lequel est le plus digne de confiance. Or il se trouve de nos jours des juges et des procureurs pour affirmer qu'un seul et même homme puisse un jour témoigner de façon honnête et véridique et le lendemain tenter de berner la justice en donnant une version contradictoire. La Justice semble donc, en ce moment, lever un peu son bandeau pour choisir la version qui lui convient le mieux. Et le tout dans un pays où l'on s'est toujours moquer des lunettes sans teints de la justice des pays plus à l'est par exemple. L'hypocrisie de ces messieurs va même jusqu'à accuser la défense, qui n'en peut plus de vomir, de Stalinisme parce qu'elle refuse d'assister à la mise à mort annoncée de son client dont la culpabilité ne semble pas à prouver puisque les témoignages l'innocentant ne sont pas écoutés.

Bref, Ahmed est bien content de savoir ce qu'il sait sur les bonnes personnes pour rester à l'abri mais il a quand même un peu les boules pour son ami Yvan qui, à l'instar d'un certain épicier du limousin, semble servir de bouc-émissaire à un petit mais bon client d'Ahmed qui veut montrer que ce n'est pas par défaillance que la Justice ne poursuit pas ses propres amis.

Ahmed proposerait bien son aide dans ce genre de débat parce que ses arguments massues sont difficilement ignorables comme ne peuvent plus en témoigner un certain nombre de représentants des forces de l'ordre ; malheureusement encore une fois on ne lui demande pas son avis. Ahmed trouve d'ailleurs qu'on devrait finir par lui payer des royalties dans ce pays de cons où tout semble se faire selon ses méthodes ; car on ne badine pas avec la propriété intellectuelle, surtout celle d'Ahmed.

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