vendredi 17 juillet 2009

Lecteur digéré, lecture digeste et liberté diluée

Ahmed Kelly est un peu aigri en ce moment.

Aigri parce qu'il n'a pas le temps de faire ce dont il a envie, aigri parce que paradoxalement il trouve ses journées désespérément vide de sens, aigri parce que certaines des personnes qui l'entourent semblent tout aussi vides et enfin aigri parce qu'à court terme tout cela ne risque pas de changer.

Bref, Ahmed cultive son ulcère consciencieusement.

Pour s'évader et pour entretenir un autre organe, Ahmed vole chaque instant qui passe à sa portée, dans un moment d'égarement, pour lire. Vous le savez, sous ses airs de brute épaisse et malgré ses activités professionnelles peu reluisantes, Ahmed est un intellectuel et un esthète. Il dévore donc avec avidité le moindre recueil de pages reliées et n'ayant absolument aucun intérêt technique, scientifique ou pratique. Et cela lui réussit.

Il raffermit son imaginaire, shampouine son vocabulaire, masse son intellect, détend son esprit et retend sa paroi intestinale. En somme, si d'extérieur il n'a rien à envier aux cadres stressés et insomniaques qui hantent les rues embouteillées du 8e arrondissement parisien, sa beauté intérieure n'a jamais été aussi resplendissante ; satisfaction très personnelle et pas forcément évidente à partager mais tout aussi réconfortante pour l'ego. Il lui faudrait juste trouver un peu plus de temps, et peut être un peu de motivation, pour pratiquer une activité sportive et il serait le parfait exemple concret des aphorismes divers découlant d'une fameuse contrepèterie latine : anima sana in corpore sano.

Malheureusement pour lui, mais heureusement pour la carrière de ses amis Eric Z. et N., tout ce qui est publié de nos jours n'est pas du Victor H. et tout ce qui est traduit n'y gagne pas forcément (mais Ahmed a beau prier, rédiger évangiles et exégèses coraniques et convertir à tour de bras, il n'a toujours pas reçu le Saint Esprit, il va finir par croire qu'il ferait mieux d'attendre patiemment les implants neuronaux comme tout le monde). Mais Ahmed sait être magnanime avec les auteurs qui n'ont pas sa plume et les éditeurs qui n'ont pas son discernement et quand il juge pauvrement la qualité d'un ouvrage il n'en tente pas moins d'en tirer le maximum car la littérature à cela de beau que son amateur peut tirer son plaisir tant de la forme que du fond, de la sonorité, de la clarté ou de la poésie ; peut être d'ailleurs les chefs d'oeuvre qui rendent leurs auteurs immortels sont ils les bouquins qui brillent dans tous ces domaines, les polyvalents, ceux qui pourraient jouer en attaque aussi bien qu'en défense, le beurre gratuit..? (idée qui vient de me venir, mes connaissances en littérature et en philologie ne sont pas assez grande pour répondre à cette question ou pour faire autre chose qu'émettre une hypothèse gratuite qui n'engage que moi, et encore.)

Ainsi il a, il y a peu, voyagé dans l'espace d'un futur lointain mais toujours aussi plausible, quoique ses coutures étaient un peu plus apparentes que ce à quoi Ahmed s'attendait ; voyagé encore au coté du plus grand médecin de son temps dans un passé beaucoup plus proche et dans des contrées qui, alors, faisaient rêver et qui à l'heure actuelle font peur ou pitié ; observé les divagations d'un doux dingue de la Nouvelle Orléans, ancêtre du geek, délicieusement imbu de lui même dans les faits comme dans l'écrit ; suivit les tribulations de la jeunesse écossaise qui depuis qu'elle ne prend plus d'héroïne s'essaie au cinéma de genre en consommant beaucoup de ce qu'Ahmed importe d'amérique du sud ; ou rit du cocu le plus noble, le plus exhubérant et le plus amoureux que le royaume de France ait connu.

Bref, Ahmed s'évade et lorsque ce matin il entama la lecture du récit poignant d'un adolescent sous la dictature, l'embargo et la guerre, par un auteur brillant car n'ayant jamais rien connu de tel, il se sentit soulager de lire que la lecture et les livres sont la liberté sous la dictature, tout comme ils furent la liberté pour un certain joueur d'échec.

Le bien le plus cher d'Ahmed Kelly étant sa liberté, il ne peut que se réjouir de voir qu'un de ses loisirs préférés y contribue et il comprend mieux maintenant ce soudain regain d'intérêt pour les transports en commun.

6 commentaires:

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Unknown a dit…

Message pour Ahmed Kelly : si les ouvrages littéraires actuels ne te plaisent pas, fais-donc un tour dans le livre ancien qui regorge d'auteurs obscurs.

Le prix est moindre et la découverte est toujours au rendez-vous.

A. Kelly a dit…

Oh mais entendons nous, je ne trouve pas que tous les ouvrages littéraires actuels sont mauvais, il se trouve que proportionnellement il y en a moins de bons.
Sinon en ce moment je suis en pleine crise de littérature beatnick, ce n'est pas encore donné mais c'est sympathique.

Unknown a dit…

Je m'excuse, je m'ennuie alors je vais te pourrir ton blog...

Comment ça la littérature beatnick coûte chère ? Mais où achètes-tu tes livres ???

A. Kelly a dit…

Et bien chez Gilbert-Jeune pourtant, et d'occasion en plus, mais bon en ce moment, le métro aidant, je consomme beaucoup et ça finit par pourrir mon budget.
Surtout qu'après avoir deux des trois livres que tu voulais absolument acheté en venant, tu te rends compte que Gilbert n'a pas le dernier d'occasion mais, pris par la frénésie de l'achat, tu le prends quand même et ça double ta note d'un coup...
Encore un coup de la société de consommation ça, foutus traders !!

Unknown a dit…

Je comprends, ce genre de frénésie consommatrice est fréquent.

Allez, je fais de la pub, sur Paris tu as le marché Brassens, rue Brancien dans le XVème qui vend de TOUT et pour tous les budgets et la librairie de l'Avenue à Saint-Ouen, la plus grande librairie de Paris et qui vend aussi de tout.