vendredi 13 novembre 2009

Week-Ends of Mayhem Part 2 : The Thin White Line






Après la fin du tour de magie champenois, les jours s'envolent et nous retrouvons Ahmed le Jeudi suivant. Et oui, emporté par des facéties chronologiques ce week end commence un jeudi, enfin plus ou moins ; disons que ce jeudi est une bonne mise en jambe.

Il faut savoir pour connaître tous les tenants et les aboutissants des circonstances des faits que je suis sur le point de vous raconter que vous ne comprendrez rien si vous n'apprenez pas ce qui suit. Enfin c'est à la discrétion du lecteur, Ahmed fait dans la narration démocratique, chacun prend ce qu'il veut, tout le monde peut commenter et Ahmed n'en fait qu'à sa tête. Bref, le jeudi en question Ahmed a travaillé une partie de l'après-midi à une présentation qui allait lui permettre de tirer un trait définitif sur une partie de sa vie qui aurait bien pu le conduire sur les bancs de la recherche académique, à l'académie royale de suède ou entre un tableau noir et deux douzaines d'étudiants décérébrés. Ne vous inquiétez pas, Ahmed n'est pas sur le point de changer de branche, bien au contraire, mais lorsqu'Ahmed commence quelque chose, il le finit ou il l'atomise mais comme on ne peut atomiser des études, il lui a bien fallu mettre les mains dans le cambouis. Une fois la fatidique présentation correctement bâclée et pauvrement répétée, Ahmed se retrouva dans une position délicate : d'un côté peaufiner les slides et ajouter quelques fioritures visuelles pour flatter l'oeil de l'auditoire téléphage ; d'un autre, rejoindre quelques amis dans un quelconque rade pour noyer l'ennui de la journée dans quelques bières et mettre son cerveau en condition pour la platitude du lendemain. Ahmed choisit la troisième solution et après un nombre raisonnable de bières et une foule de shooters diversement aromatisés, il rentra écraser paisiblement avec la douce assurance qu'il ne reprendrait totalement ses esprit qu'une fois la présentation présentée et l'auditoire embobinée par quelques improvisations oratoires subtilement distillées à partir de rémanences alcoolisées. Bien évidemment le plan d'Ahmed se déroula sans accro et il reprit ses esprits comme prévu dans un restaurant nippon face à celle qui n'éblouit plus mais qui reste de bonne compagnie.

Cette petite mise en jambe vous permet donc d'imaginer dans quel état Ahmed passa l'après midi : entre l'euphorie de la réussite et les remontés acides parfumées au poisson cru. Mais lorsque vint l'heure de l'apéro Ahmed a ingurgité suffisamment de café pour avoir retrouver la forme et c'est donc avec une sérieuse envie d'en découdre avec la sobriété qu'il prend la direction de son bar de prédilection en charmante compagnie. Là, rien a changé : la boisson coule à flot, Marie-Jeanne divertit l'assemblée et Ahmed et son amie retrouvent de gais compagnons pour commencer dignement la soirée. Il est prévu qu'ensuite ceux qui le voudront migreront vers un bar plus officiel de la ville lumière pour assister au set endiablé du très cher ami d'Ahmed Chuck P. mais le temps ne presse pas, Ahmed sait se faire désirer et sait surtout que lorsqu'on arrive avec Madeleine à son bras tout retard est pardonné. Quelques bières plus tard, Ahmed, ses compagnons et, surprenant plaisir, l'amie d'Ahmed frappent la route et s'enfoncent dans le métro un sandwich à la main.

Lorsqu'ils arrivent au bar Madeleine se fait discrète, Ahmed prend toujours ce genre de précaution quand il arrive dans un établissement qu'il ne connait pas, de plus il n'est pas sûr que son amie et Madeleine s'entendent parfaitement ; par contre Coraline est déjà là, excitée comme une puce comme il se doit, aux côtés d'un autre grand ami d'Ahmed, Diego M., qui devait aussi poser quelques galettes ce soir là. Les deux amis se serrent la main et déjà Coraline les prend par les épaules pour leur proposer de trouver un endroit tranquille afin de profiter de ses largesses. Personne ne se fait prier dans cette histoire et le trio se retrouve dans les toilettes de l'établissement. Quelques minutes plus tard, ils ressortent et sont accueillis par le videur de l'endroit qui, gentiment mais fermement, leur annonce qu'ils ne sont plus les bienvenus dans le bar et doivent vider les lieux séance tenante. Ahmed, soucieux de défendre l'honneur de Coraline et légèrement vexé par l'outrecuidance de l'agent de sécurité, finit son verre d'un trait, fixe le garde d'un regard et plonge déjà sa main sous sa veste pour résoudre cette affaire dans un juste déchainement de violence gratuite. Son geste lui fit cependant poser le regard sur l'amie qui l'a accompagné et sur Chuck derrière ses platines. Les liens de l'amitié sont plus forts pour Ahmed que les avances sulfureuses d'une fille de joie, quand bien même elle en procure autant que Coraline, et un bref éclair de lucidité lui fait entrevoir les conséquences dramatiques que pourrait avoir son geste sur le week end de ses amis. Magnanime, Ahmed stoppa donc son geste et sortit paisiblement de ce bar qui sera dorénavant frappé du sceau de l'infamie. A l'intérieur, un certain nombre de convives tentèrent diverses stratégies pour amadouer patrons et videurs mais rien n'y fit : le puritanisme qui s'instille dans toutes les allées de l'ancienne capitale mondiale de la fête les ronge jusqu'à la moelle et les moeurs libérés de Coraline leur font trembler l'échine et remonter les couilles.

Qu'à cela ne tienne, les amis d'Ahmed décident de continuer la soirée ailleurs et rejoignent la demeure de l'un d'entre eux. En chemin ils ont perdu la gente féminine mais ils savent qu'à l'arrivé rien n'empêchera plus Coraline et Madeleine de faire leurs shows. Choses promises choses dues, les hommes sont entre eux mais la musique, les réserves d'alcool et l'enthousiasme des deux naïades échauffent des esprits que Marie-Jeanne peine à calmer. La nuit s'écoule ensuite comme le vol immuable de l'albatros et à peine quelques instants avant que le métro ne reprenne sa course Chuck P. et l'heureux propriétaire de l'appartement font leur arrivé. S'il ne suffit que d'un prétexte pour lever son verre, celui-ci est amplement suffisant et Madeleine ne se fait pas prier pour resservir une tournée. Ahmed et ses amis sont donc encore en pleine euphorie quand le soleil pointe le bout de son rayon et rappelle au plus sérieux d'entre eux qu'une femme doit sûrement les attendre à la maison. Contraints, tout le monde rentre mais Chuck et Ahmed ne se laisseront jamais abattre par de si primaires considérations et décident de finir la soirée chez le premier. En chemin, les deux amis passent quelques coups de fil, rameutent les vrais gars et donnent quelques recommandations. Arrivés à destination, ils laissent Marie-Jeanne leur présenter sous un jour nouveau les envolées lyriques de Frédérique C. et Ludwig van B., macchabées de leur état et illustre compositeur dans des temps regrettés.

Quelques perles musicales plus tard, deux amies de Chuck et un très cher ami d'Ahmed rappliquent les bras chargés de cadeaux. Jack sera donc de l'after et Madeleine, ravie, accueille tout le monde de ses sulfureux baisés. Malheureusement, la belle a d'autres obligations et abandonne à contre coeur la compagnie. Les convives sont encore sous le charme mais savent qu'il ne durera pas toute la matinée, ils se concertent : un certain Bambi doit savoir comment joindre Coraline. Pas besoin d'en dire plus, le jeune chevreuil est appelé, rendez vous est pris. Ahmed et son ami vont faire quelques courses et reviennent quelques instants avant l'arrivé du fragile messie. Coraline est avec lui, encore plus resplendissante qu'en début de soirée, belle à croquer, fraiche comme la rosée et enflammé comme au premier jour. La soirée reprend, Ahmed s'essaie aux platines, abandonne vite, profite, rit et vit. L'instant aurait pu durer une éternité, perchés sur les toits de Paname, seuls au monde Ahmed et ses amis auraient pu rire à la face du monde et décider de ne plus jamais revenir. Dans cette si petite pièce leur horizon était infinie et qui sait dans quelle ville, sur quel continent, à quelle époque se seraient ils retrouvés en franchissant son seuil. Quand de cette façon le monde extérieur n'a pas de prise, l'homme est enfin libre de s'élever.

Mais le temps n'arrête pas son cour pour autant pour celui dont le nom fait trembler les escrocs de Paris à Rio et deux jours après avoir terrassé le dragon de la connaissance, Ahmed cesse de festoyer et retourne profiter du repos du guerrier victorieux. Détruire de bar honni sera un autre combat. De plus, il sait maintenant que Bambi a trouvé un très bonne mère de substitution et il se doute le lapin blanc ne doit pas être bien loin.

lundi 9 novembre 2009

Week-ends of Mayhem Part 1 : The Neverending Sparkling Magic

Commence aujourd'hui, une petite série de récits des week end parfois dantesques de ce cher Ahmed Kelly.





Cette première célébration de fin de semaine commence alors qu'Ahmed se demande s'il est vraiment raisonnable de se laisser encore éblouir par celle qui le fit si bien et alors que ses chères amies sont toutes indisponibles (même Marie-Jeanne, à vous dire à quel point cette histoire commence mal). Ahmed est donc là à l'attendre, elle qui éclairait ses nuits, et à se demander s'il n'est pas déjà en train de gâcher sa soirée. Il tente d'accélérer le temps à mesure que se consument ses cigarettes mais rien n'y fait : on ne trompe pas le cerveau d'Ahmed Kelly avec quelques blondes mal tassées. Seule distraction efficace pendant l'attente : un des meilleurs amis d'Ahmed, que nous appellerons Blondie pour préserver son anonymat et souligner le contraste capillaire entre les deux amis, l'appelle pour lui proposer de le rejoindre à une soirée d'une école politicienne parisienne dont il connait les organisateurs ; indécis quant à son avenir proche Ahmed décline l'invitation. Renseignements pris auprès d'un des étudiants de la dite école, Ahmed pense ne pas avoir raté grand chose, puis l'attente reprend.

Heureusement, la femme qui n'éblouit plus tant que ça n'est pas devenue cruelle pour autant et quelques minutes plus tard, elle pénètre dans le bar enfumé où l'attendait Ahmed. Elle est pressée, visiblement fatiguée et, peu encline à honorer ses engagements, propose de remettre ça au lendemain. Un rien agacé d'avoir attendu pour rien, Ahmed prend la mouche mais laisse son ancienne amante repartir. Mais Ahmed a pris une mouche vindicative qui ne les laissera pas s'en tirer à si bon compte, Ahmed rattrape donc son amie sur le point de quitter les lieux, il la confronte et le résultat est là : l'éblouissement n'est plus et la soirée vouée à l'échec. Résigné, Ahmed retourne au comptoir et commande la première boisson alcoolisée et pétillante de la soirée. Il fait le tour des possibilités et de son répertoire téléphonique, recommande une bière et rappelle son ami Blondie. Il lui fait part de ses doutes concernant la soirée proposée mais Blondie connait bien Ahmed et trouve un argument qui ne laisse plus de place aux doutes : les organisateurs, qu'il connait donc, ont prévu une bouteille de champagne par personne. Vous le savez Ahmed n'est pas du genre à hésiter longtemps pour prendre une décision et encore moins à refuser une si grande largesse, le sort en est donc jeté : ce sera la soirée dans l'école de politique.

Quelques bières et un sandwich plus tard, Ahmed approche de l'emplacement de la soirée : le quartier est beau, historique, assez inhabituel pour accueillir ce genre d'évènement ; le lieu est agréable, historique et aménagé pour accueillir ce genre d'évènement. La magie de l'alcool, combinée à l'enchantement du week end ne permettra jamais à Ahmed de retrouver l'endroit mais il n'en a cure, il sait très bien que le destin l'y reconduira si vraiment il le faut.
Ahmed arrive donc à l'entrée, habillé normalement pour un Vendredi soir qui s'annonçait sans grande prétention, les autres convives qui tentent de pénétrer dans l'établissement sont eux beaucoup plus fringués mais bien moins introduit. Ahmed est attendu à l'entrée, il salue le videur d'un grand sourire et entre sans plus de cérémonie ; ses amies l'attendent et ont prévenus ceux qui le méritaient de l'arrivée d'un Ahmed en grande forme. Habitué à des open-bars assez chaotique, Ahmed se dirige directement vers le bar et enchaîne les coupes mais quelque soit le nombre de coupes commandées, la fréquence de commande ou la mauvaise foi de celui qui commande, les serveurs sont toujours tout sourire et semblent ne pas souffrir de l'angoisse d'un soudain manque. Blondie n'avait pas menti, il y a de quoi faire couler le champagne à flot toute la nuit.

Ahmed en profite donc pour se mêler à la population et là quelque chose le frappe. Pour remettre un peu les choses dans leurs contextes, il faut savoir que ce week end se situe temporellement à la période où un certain Jean S., fils de de profession, vient de renoncer sous la pression populaire à un poste à haute responsabilité pour lequel il semblait bien trop inexpérimenté (la portée de ce coup politique nous fera peut être revoir ce jugement dans l'avenir, mais c'est là une autre question). Ahmed Kelly est donc là dans cette soirée normalement réservée aux élèves de la filière communication de cette école de politique renommée et il est frappé par le nombre de sosie de ce fameux Jean S. présent dans la salle ; frappé au point qu'entraîné par les volutes pétillantes de l'alcool du jour, il décide d'appeler tous ces sosies Jean, quelque soit leur nom véritable. Ahmed déambule, discute par ci par là, fait une remarque pernicieuse à un Jean dans l'erreur, blague un peu avec un Jean rigolard, se fait passer pour ce qu'il n'est pas, rencontre le directeur de la filière visiblement gêné et déblatère longtemps avec une inconnue sur les qualités et les défauts de ses chères amies qui n'ont pas pu venir ce soir.

Les heures passent et les amis d'Ahmed le rappellent à l'ordre : il ne faut oublier de gratifier le dance-floor et la gente féminine de leurs déhanchés proverbiaux. Blondie, Ahmed et un troisième larron descendent donc à la cave où Tequila T. tient les platines de mauvaise grâce. Ahmed et ses amis sont habiles et séduisants et il ne faut donc pas attendre longtemps pour les voir chacun une demoiselle au bras prêt à rentrer finir la nuit ailleurs. Blondie tergiverse, le champagne continue à couler, le troisième est parti déguster sa proie. Puis finalement un taxi est commandé et Ahmed rentre, seul mais heureux propriétaire d'une bouteille souvenir pétillante.

Le lendemain Ahmed est attendu pour affaire, il se lève donc de mauvaise grâce et court Paris de rendez vous en rendez vous. Le soir venu, son corps et son esprit souffrent et la magie pétillante n'est plus mais il ne faut pas se laisser abattre dans ce genre de situation et Ahmed accepte donc de partager un cocktail avec quelques uns de ses amis apprentis comédiens. Pour ne pas briser le sort, Ahmed commande une boisson à base de soda, de rhum et de menthe qu'affectionnent particulièrement nos amis cubains. Quelques verres plus tard, il est temps pour Ahmed de rejoindre l'appartement d'une de ses amies, que nous appellerons Pénélope B. pour ne pas préserver son anonymat et faire encore un peu de name dropping, pour fêter le départ de cette dernière vers des horizons lointains et pluvieux. Le principe de la soirée est simple : on ne rentre pas sans bouteille de champagne. Ahmed arrive donc avec la sienne et la magie reprend.

Le sort est encore plus beau car la soirée est privée et aucun serveur n'a été engagé, pourtant dès qu'il ne reste plus qu'une ou deux gorgées de nectar pétillant dans la coupe d'Ahmed, quelqu'un apparaît une bouteille à la main. Le verre d'Ahmed ne se vide donc jamais et tous les convives semblent apprécier la magie du moment, notamment une copine d'Ahmed à la jovialité communicative. La fête est donc dors et déjà réussi, les invités plus agréables et intéressants les uns que les autres et si ce n'avait été la petitesse du seul mètre carré de cuisine dont dispose l'appartement, elle aurait été parfaite. Les heures filent, changent au milieu de la nuit pour donner un petit répit aux fêtards mais la source de champagne commence à se tarir ; Ahmed et son amie, décidés à ne pas souffrir des affres du manque, prennent donc le parti de s'enfuir plus ou moins discrètement pour finir la soirée ailleurs.

Après une vague errance en taxi, le couple arrive à l'appartement de la demoiselle et visuellement, ou auditivement pour être plus précis, quelqu'un dans l'immeuble célèbre aussi dignement le changement d'heure ou le départ d'un proche. Ahmed et son amie cherchent avec attention dans les étages avant de se rendre compte que les fêtards sont ses propres voisins de palier. Ahmed sonne, la maîtresse de maison ouvre, reconnaît sa voisine, s'excuse platement de faire trop de bruit puis réalise qu'Ahmed et sa compagne n'ont pas vraiment la tête de personnes excédées par le bruit et qu'ils semblent un peu trop alcoolisés pour en souffrir plus tard. Elle les fait donc rentrer le plus gentiment du monde et les traite maintenant comme des invités de marque qu'il ne faut surtout pas décevoir et la magie reprend de plus belle : le magnum de champagne de leurs hôtes n'est qu'à moitié consommé et le maître des lieux, soucieux de l'hydratation de ses invités, ne laisse aucun verre se vider complétement. La fin de soirée est donc impromptue et le couple rejoint l'appartement voisin quelques heures plus tard agréablement surpris et passablement affamé.

Une courte matinée de sommeil plus tard, Ahmed rentre dans ses pénates pour se changer et faire un brin de toilette, il s'autorise une petite sieste puis retrouve l'appartement qu'il a quitté il y a quelques heures et sa charmante propriétaire pour l'anniversaire de cette dernière. Anniversaire oblige, le champagne recommence à couler gaiement mais Dimanche oblige il ne tiendra pas toute la nuit et effectivement les derniers convives s'en vont à une heure presque raisonnable pour une veille de lundi et Ahmed et son amie s'écroulent comme il convient après avoir subit un si long enchantement.

Moralité de cette histoire, comme dirait l'oncle Ben : "A grands pouvoirs, grandes responsabilités", en l'occurrence Ahmed en invoquant le dieu pétillant du sybaritisme a apporté la désolation sur les faibles espoirs de ses collaborateurs de le voir passer un week end calme et productif mais Ahmed n'en est pas à son premier tour de force et il a les épaules pour maîtriser le flot bouillonnant du breuvage du diable et de la civilisation. Le champagne fait rosir les joues, rougir les jouvenceaux et roter les jouisseurs mais d'Ahmed il ne fait que pétiller les idées.

jeudi 5 novembre 2009

Lettre ouverte à M.Eric Besson





Aujourd'hui, vous voulez parler d'identité nationale, c'est vous qui le dites pas moi, mais vous nous donnez à tous la parole et dans ce cas je me vois obligé de la prendre, Ahmed Kelly n'est pas du genre à refuser un cadeau.

Oui, moi, Ahmed Kelly, vais aujourd'hui parler de l'identité nationale française. Ceux qui me connaissent trouveront peut être cela bizarre, comment en effet quelqu'un qui se réclame apatride, grand chantre de la mondialisation et de l'abolition des frontières, à l'identité douteuse et à la généalogie obscure peut il parler sérieusement de ce qu'est l'identité d'un peuple dont il ne fait que parler la langue. Et bien cet homme que vous, messieurs qui portez si bien le portefeuille, n'accepteriez sûrement jamais à votre table de peur que l'information ne se retrouve par un hasard déplorable sur le bureau d'une publication que vous ne contrôlez pas, vous qui n'hésitez pas à affréter des avions pour renvoyer mes semblables au devant d'une mort certaine mais qui fermeriez volontiers les yeux sur mes problèmes de nationalité si vous calculiez les revenus que génèrent pour vos finances mes activités dites douteuses ; cet homme va vous parler d'identité nationale car depuis qu'il sait lire, il a rêvé de la France et depuis qu'il le peut, il y vit. Il a rêvé d'une France qui rêvait à l'international, il a rêvé d'une France que l'on admirait de par les mers et les terres, il a rêvé d'une France à la pointe de la pensée humaniste. Il croyait que dans le pays des droits de l'homme, il pourrait vivre comme un homme, qu'il serait reconnu en tant que tel et que son intellect prévaudrait sur sa couleur de peau ou sur sa langue d'origine.

J'ai été élevé dans une des langues les plus difficiles et les plus riches qui existent, des millions de pages, d'idées, de pensées, de raisonnements et de vers ont été écrits dans cette langue et pourtant dès lors que je l'ai découvert, je n'ai eu de cesse de vouloir l'apprendre le français et de le maîtriser parfaitement. Je pensais que cette langue était le passeport vers la philosophie et l'humanisme, je pensais que n'importe où dans le monde elle serait comprise et appréciée et que celui qui la parle serait immédiatement respecté. Pour moi le français, l'homme, celui qui est né en France, celui dont les ancêtres ont promené les premiers des têtes d'aristocrates au bout d'une pique, celui qui a organisé des funérailles nationales au plus grand de ses écrivains, celui qui réserve à ses grands hommes et à ses grandes femmes, ses scientifiques, ses penseurs et ses poètes l'un des plus beau monument de sa capitale, celui qui descend dans la rue pour défendre la démocratie et les droits de l'homme, celui qui élève au rang d'art la cuisine, celui qui a écrit des articles et des pièces qui ont fait vaciller des gouvernements, celui-là était mon héros ; celui là je voulais le rejoindre et lui ressembler.

Je ne voulais pas nécessairement vivre en France, tant qu'on me laissait le droit d'y aller et d'y circuler à ma guise, je ne voulais même pas forcément être français, car je n'ai que faire des avantages d'une nationalité et je me fiche de pouvoir choisir des gouvernants qui n'auront pas de prise sur moi. Par contre, je voulais rejoindre la communauté intellectuelle francophone, je voulais être de ceux qui peuvent se sentir fier des discours prononcés dans leur langue, je voulais faire parti de la nation qui envers toute considération économique ou militaire s'insurgerait contre une initiative guerrière inique, qui serait à l'origine de négociations de paix désespérées, qui malgré la pression de la communauté occidentale tendrait la main vers les peuples souffrant de l'opprobre diplomatique. Je pensais que dans cette ère moderne, d'échange, de voyage, de mondialisation, d'internationalisation, ce pays, qui a battis sa devise sur les écrits de penseurs éclairés qui n'ont pas eu peur, il y a de cela plusieurs siècle, de puiser dans les sagesses orientales et arabes les idées qui allaient révolutionner non seulement leur pays mais aussi la pensée de tout un continent, pour les siècles à venir ; je pensais que ce pays serait celui qui m'accepterait le mieux et dans lequel je verrais apparaître le nouveau phare qui indiquerait au monde les récifs et les écueils de cette période troublée.

Pour moi, l'identité nationale française ne repose pas sur un drapeau ou sur un hymne guerrier mais sur une pensée, une ouverture d'esprit, une philosophie qui donne à tous ceux qui la partagent une fierté intellectuelle qui ne s'embarrasse pas de couleurs de peau, de nationalités ou de confessions. La France, pour moi, était un havre de paix, le creuset dans lequel tout un chacun pouvait apporter sa culture et ses traditions et ainsi poser sa pierre à l'édifice d'une humanité meilleure ; mais peut être n'étais-je alors et peut être resté-je un enfant rêveur.

Car aujourd'hui, que vois je ? Je vois des gouvernants qui bafouent cette langue que j'admire, je les vois tenter de discourir et de donner du sens à des mots qu'ils ont l'air de ne pas comprendre, je vois un parti qui tente de s'ériger en parti unique faire perdre à ses propres membres la faculté de penser par eux mêmes, je les vois, à l'unisson, abreuver de formules et de phrases toutes faites qui sentent plus le bois que la plume, des médias, qui ont pratiquement oublié l'idée d'indépendance. Je les vois piétiner sans cesse l'héritage des Lumières, je pleurs presque chaque jour de voir ce pays de liberté se transformer et dépérir. Je les vois chaque jour tenter par des pirouettes intellectuelles de bas niveau de justifier leurs exactions et leurs manœuvres politiciennes, et je souffre de les voir alimenter ce massacre déplorable d'une philosophie éternelle pour le bien de petits privilèges mesquins. Tels les personnages de Molière, ils sont les caricatures des maux qui pourrissent une société mais malheureusement pour nous, ils font de la France une terre de rejet où ce n'est pas de sitôt que nous reverrons germer les pouces d'une culture d'avant garde qui redonnera au monde un cap et aux français une identité.

M. Besson, je doute qu'un jour vous ne lisiez cette lettre mais je doute de tout un tas d'autre chose. Mais le cas échéant, j'espère que j'aurais réussi à vous toucher car je crois qu'au fond de vous, malgré l'image que vous montrez, malgré vos exactions politiques de ces trois dernières années et malgré tout ce que mon instinct me fait penser de vous, il y a un homme intelligent, un homme qui croit que Voltaire est immortel et qui fera tout pour qu'il le reste et pour ne pas participer à sa destruction.

Veuillez, monsieur, accepter l'expression de mes sentiments les meilleurs ; vous ne me rencontrerez jamais mais j'espère pouvoir participer au débat.

Sincèrement,

Ahmed Kelly