mercredi 21 juillet 2010

Rasoir d'Ockham.

Des soupçons pèsent sur un homme qu'Ahmed ne connaît pas. Tout semble l'accabler et dans sa position nombreux avant lui ont préféré sauver ce qui leur restait de réputation en se mettant au vert, mais lui n'en démord pas, il restera jusqu'au bout tel un roc face à la déferlante. Il faut dire qu'il n'a jamais fait beaucoup de vagues cet homme là. Avec son sourire mi-sincère, mi-timide et sa calvitie de moine trappiste, il aurait pu passer un quinquennat tranquille à peine dérangé par un petit changement de portefeuille à mi-parcours, histoire de ne pas s'encroûter. Malheureusement la perfidie du journaliste moyen et la sournoiserie acquise par l'employé de maison depuis la parution du Capital l'auront rattrapé avant la quille.
Haro sur le premier de la classe donc, la presse s'en donne à coeur joie, l'opposition parle de démission, de dissolution et de motion de censure et Ahmed est perplexe. Car si les témoignages, plus ou moins à charge selon qui les commentent, s'accumulent, si le canard de mauvaise augure n'a de cesse de scruter tout ce qui lui est passé entre les mains dans l'espoir d'ajouter une nouvelle casserole à la batterie ; le gouvernement, ses sbires, ses employés et son journal continuent à nier l'évidence, à s'offusquer et à développer des merveilles de mauvaise foi pour défendre leur poulain et sa pouliche, quitte à faire se retourner dans sa tombe ce vieux baron de Montesquieu. Et personne n'a l'air de pouvoir se faire une idée.
Ahmed, lui, quand il se rase le matin ne s'imagine pas paré d'un costume trop grand pour sa carrure, il se contente généralement de rassembler ses esprits et fouille dans la brume à la recherche de ses idées (vous le savez Ahmed n'est pas du matin). Or, tous les grands philosophes vous le confirmeront, c'est lorsque la conscience se bat contre la fatigue que l'esprit est le plus à même de briller car alors il ne s'aventure pas vers la complexité et se contente du bon sens et de l'essentiel. Le matin en se rasant donc, Ahmed utilise deux rasoirs : un pour dompter ses poils de barbe rebelles et l'autre pour sabrer dans la foule des hypothèses délirantes.
Or, dans le cas qui nous occupe, est il plus probable qu'une opposition au bord de l'agonie depuis bientôt 10 ans et qu'une presse aussi indépendante qu'une région française productrice d'huîtres et d'alcooliques se soient alliées pour corrompre et pousser au parjure trois employés fidèles, et friqués, d'une vieille dame sénile ou qu'un ministre soit purement et simplement corrompu comme nombre de ses prédécesseurs ? Est il plus vraisemblable qu'un journal, qui n'a jamais perdu un procès en diffamation, ait falsifié des preuves, ait monté en épingle des rencontres fortuites et ait honteusement exagéré la portée et les enjeux de transactions honnêtes ou qu'un ministre et sa femme, administratrice de bien de profession, aient profité de leurs positions et des lois qu'ils ont promulguées avec leurs amis en début de mandat pour s'en foutre plein les fouilles ?

Ahmed ne se rase pas de près mais il fait des coupes franches dans les théories trop complexes et pour lui la situation est claire : le ministre ne peut être que coupable et si on le défend avec tant d'empressement et d'abnégation ce n'est pas pour sauver un ami de trente ans mais pour éviter de se voir entraîner dans sa chute. Ahmed n'est pas dupe sur ce genre de chose, il connaît depuis longtemps les avantages de la cordée.

L'accusé n'a peut être pas la tête de l'emploi mais chez les gouvernants comme chez les curés, on garde les sales gueules pour les menaces et on envoie les enfants de choeur faire la quête. Reste plus qu'à espérer que l'analogie s'arrête là et que le petit Eric ne s'est pas fait abusé par ses commanditaires.

Aucun commentaire: